Accueil > En Bretagne > Nitrates en Bretagne : l’Europe se discrédite.

Nitrates en Bretagne : l’Europe se discrédite.

mercredi 24 octobre 2007, par Gérard Borvon

Rappel des épisodes précédents

"Maintenant cela suffit ! " avait grondé la Commission Européenne. La France doit se mettre en règle concernant ses prélèvement d’eau pour la consommation humaine et le respect de la norme des 50mg/l. Sinon c’est 28 millions d’euros d’amende et 117 882€ d’astreinte par jour d’infraction. On allait ainsi rapidement vers le 100 millions d’euros à débourser.

Réaction immédiate du lobby agricole : saccage des locaux de "Eau et Rivières",, barrages sur les routes et comme d’habitude pression sur le gouvernement pour que rien ne se fasse.

Résultat : la Commission Européenne accorde au candidat Sarkozy un premier sursis jusqu’aux élections présidentielles et législatives.

Elle décide ensuite de le prolonger jusqu’à la fin de l’été, histoire de laisser le temps à l’ancien commissaire Barnier de renouer les contacts.

Le retour aux vieilles méthodes était prévisible mais certains ont pu penser que l’Europe et Michel Barnier sauraient enfin saisir l’occasion de donner un coup de semonce et de stopper le processus de dégradation de l’eau en Bretagne (et plus généralement en France).

Illusion : tous ces palabres n’avaient pour objectif que de masquer le recul !

La Commission avait pourtant fixé comme règle de ne jamais retirer une affaire quand elle avait décidé de demander à la Cour de justice européenne de prononcer une amende ou une astreinte contre un état membre.

La justification qu’elle donne de cette entorse à ses règles est pitoyable : elle a bien décidé la saisine mais elle n’a pas envoyé la lettre !

Qu’ a donc promis le gouvernement français pour obtenir un tel cadeau ?

De sanctionner le contribuable français par un nouveau train "d’aides" au lobby.
De fermer les usines d’eau potable des consommateurs soumis à la pollution.

86 millions d’euros et 4 captages fermés

Côté contribuables, la décision c’est donc 86 millions d’euros d’imposition pour un retour à la norme à la fin 2009. Pour quel usage ?

D’abord 68 millions pour le volet agricole.

43 millions pour la compensation des pertes de revenus des agriculteurs à qui on demandera de réduire leurs effectifs animaux ou leurs apports azotés.

7 millions pour des installations de traitement des effluents.

10 millions pour la réduction des effectifs animaux.

8 millions pour les préretraites et les reconversions.

Insuffisant ont déjà annoncé les directions de la FNSEA. Cela on pouvait s’y attendre.

Mais cela sera-t-il au moins efficace ? Chacun se souvient ici du rapport effectué en 2002 par la Cour des Comptes sur " La préservation de la ressource en eau face aux pollutions d’origine agricole : le cas de la Bretagne" dont nous extrayons ces quelques lignes d’introduction :

" Les principes d’action retenus par le législateur pour préserver la ressource en eau obligent les pouvoirs publics à privilégier l’action préventive pour réduire les pollutions dès leur origine, et à faire supporter aux responsables de cette détérioration tout ou partie du coût des actions mises en place.

Au vu des politiques engagées depuis dix ans en Bretagne, aucun ce ces principes n’a été respecté.

En effet, les cours d’eau et les nappes de Bretagne sont aujourd’hui fortement dégradés par l’activité agricole, au point qu’une prise d’eau sur trois contrevient aux normes de qualités fixées par la réglementation.

Ce processus est amorcé depuis au moins trois décennies, sans qu’une politique suffisamment volontariste et constante ait pu le freiner : les nombreuses actions mises en oeuvre en Bretagne depuis 1993, époque d’une première prise de conscience, se sont ajoutées sans parvenir à démontrer des résultats probants, bien que des fonds publics d’un montant supérieur à 310 millions d’euros aient été engagés."

Le problème est bien celui là : pas de problème pour recevoir les subventions mais quant à appliquer les mesures qui vont avec c’est une autre affaire !

Nous souhaitons bien du plaisir aux inspecteurs envoyés par Paris ou Bruxelles qui auraient la prétention de venir constater sur place la diminution du nombre d’animaux dans les exploitations ou la modification des quantités d’azote épandues !

Mais arrivons au plus grave

Comment la Commission a-t-elle pu accepter de lever sa sanction en échange de la fermeture de 4 captages ? Après tout il aurait suffit de fermer les 9 captages hors norme et l’affaire était jouée. Plus de contentieux dans le cadre de la directive concernant l’alimentation en eau potable : on casse le thermomètre et on n’en parle plus !

C’est peut-être oublier un peu vite qu’il existe à présent une directive cadre qui exige le retour à un bon état écologique de toutes les eaux souterraines et de surface pour 2015. Ce ne seront plus quelques bassins versants qui seront en infraction à cette date mais pratiquement l’ensemble du territoire breton.

C’est donc un message très négatif que vient de donner Bruxelles aux pollueurs : nos directives sont des chiffons de papier. Ce que vous devez préparer en ce moment à tous les niveaux de vos administrations, ce ne sont pas les plans de reconquête de la qualité de l’eau, mais les dossiers de dérogation que vous nous présenterez en vue des échéances à venir.

Les institutions européennes se présentaient volontiers comme les meilleures alliées de la protection de l’environnement, on peut à présent en douter.



Et pendant ce temps la pollution continue.

Jeudi 4 octobre 2007

16h05. Marché du porc breton : 6 mois de prison avec sursis au président

Le président du marché du porc breton a été condamné aujourd’hui à Morlaix à six mois de prison avec sursis et 7.500 euros d’amende, pour pollution des eaux par déversement accidentel d’effluents de lisier.

Le procureur de la République avait réclamé 9 mois de prison avec sursis et 7.500 euros d’amende lors de l’audience le 6 septembre.

Le prévenu devra en outre verser 7.000 euros au titre de préjudice à l’association Eaux et rivières de Bretagne et à l’association de pêche de l’Elorn parties civiles dans cette affaire.

Le 23 avril 2005, 800 m3 d’effluents en provenance de la station de traitement de lisier de l’éleveur, Jean-Jacques Riou, s’étaient déversés dans un cours d’eau affluent de l’Elorn situé au pied de l’exploitation à Plouneventer, à 25 km au nord de Brest. La pollution avait entraîné l’arrêt pendant quelques heures de la station de retraitement des eaux alimentant quelque 300.000 foyers près de Landerneau et de gros dégâts dans la faune piscicole. Une défaillance technique serait à l’origine de la pollution, selon l’enquête.

Un mois auparavant le 25 mars, une pollution de moindre importance qui avait occasionnée la mort d’une dizaine de truites, contestée par la défense, avait été constatée en aval de l’élevage du prévenu.

L’exploitant avait déjà été condamné en 1999 pour extension illégale d’élevage, puis en 2003 pour pollution et en 2006 pour violation de prescriptions techniques.

Le télégramme


L’Europe se discrédite, suite

Le titre de l’Ouest-France du 24 octobre en page agriculture, et en plein Grenelle de l’Environnement, ne pouvait pas manquer d’attirer l’attention d’un lecteur écolo :

"Pesticides : les députés européens assouplissent leur position "

Il y est dit que "l’Assemblée européenne a opté pour une utilisation "raisonnée" " des pesticides et que le député breton Ambroise Guellec, fidèle soutien des lobbies, a été applaudi pour une formule directement inspirée de l’UIPP : "Aussi peu que possible de pesticides, autant que nécessaire". L’article ci-joint détaille les reculs qui, effectivement sont inquiétants.

- les députés proposent une limitation "souple" de l’interdiction des épandages le long des cours d’eau en supprimant la distancede 10 mètres sans pesticides envisagée dans un premier temps.

- pas d’obligation d’informer son voisinage sur les pesticides utilisés.

- pas de fixation d’objectifs quantitatifs de réduction des pesticides.

Manifestement les lobbies de l’industrie chimique ont su imposer leurs vues.


Les pollueurs récompensés

Rennes, le 20 mai 2008

« L’indemnité favorise les pollueurs, simulacre de mesure pour l’eau en Bretagne ! »

Les organisations agricoles bretonnes engagées dans le développement d’une agriculture durable et de qualité et les associations de protection de la ressource en eau* (La FRAB, FRCIVAM, le Réseau agriculture durable RAD, l’Adage, Cohérence, Eau et Rivière de Bretagne), jugent inacceptable les modalités d’application de l’indemnité compensatoire de contrainte environnementale, l’ICCE, (prévu par décret du 14 mai 2008), qui vise à protéger les zones de captages d’eau contre les excédents de nitrate.

Au-lieu d’encourager les éleveurs des bassins versants à transformer leur système pour une agriculture durable et de qualité, cette mesure favorise, une fois encore, les élevages industriels en leur octroyant des indemnités pharaoniques. Elle décourage les agriculteurs pratiquant déjà ou qui souhaitent pratiquer une agriculture respectueuse de l’environnement et de la ressource en eau !

Par exemple, avec l’ICCE un producteur industriel de porcs avec un excédent d’azote de 100 Unités /hectare touchera une indemnité de 495€/ha (la première année). Un éleveur biologique de porcs avec un excédent de zéro (il atteint déjà le seuil autorisé de 140 unités d’azote /hectare) ne touchera qu’une indemnité de 60 euros par hectare. L’aide étant calculée en fonction de l’excédent d’azote à compresser et non des choix de production plus ou moins polluant !!

Ce nouveau dispositif est bien en deçà de ce qui pouvait être attendu par les organisations agricoles durables et biologiques ! Il ne remet pas en question le chargement excédentaire en azote sur ces zones, qui est dû à des pratiques agricoles intensives et industrielles. Il n’encourage absolument pas le changement de système pour les agriculteurs présents sur ces bassins, et décourage même à passer à un mode de production durable ou biologique, qui engendrerait une chute du montant de l’indemnité compensatoire de contrainte environnementale, l’ICCE ! « L’ICCE est injuste, anti-pédagogique et ne représente qu’un pactole pour les pollueurs ! »

Une délégation de la Fédération régionale des agriculteurs biologiques de Bretagne, la FRAB, a rencontré, le vendredi 25 avril, le Directeur régional de l’Agriculture et de la Forêt pour évoquer ces mesures, leur iniquité, leur inefficacité à apporter une réponse efficace à la pollution des sols et des rivières en Bretagne. Aucune réponse satisfaisante n’a été apportée.

Aujourd’hui, plusieurs zones d’ombres demeurent et non des moindres :
• Les agriculteurs biologiques ou les aspirants à la bio pourraient se voir interdire de bénéficier des mesures environnementales (MAE) type système herbager (SFEI) ou conversion à l’agriculture biologique sur ces territoires. En effet, l’ICCE étant obligatoire sur les bassins versants concerné, elle pourrait ne pas être cumulable avec les mesures agro-environnementales type : conversion à l’agriculture biologique (CAB) et maintient de l’agriculture biologique (MAB).
• Qu’adviendra t-il des excédents qui ne pourront plus être épandus ? Iront-ils polluer d’autres zones encore saines ? ou les pouvoirs publics vont-ils enfin se décider à encourager l’évolution durable de la production agricole bretonne plutôt que le financement d’usines de traitement du lisier ?