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Algues vertes. Un rapport secret qui reconnaît l’échec de l’État.
mercredi 21 octobre 2009
Ce document n’aurait jamais dû être rendu public. Son auteur, le préfet des Côtes-d’Armor Jean-Louis Fargeas, a bien pris soin d’inscrire à la main la mention confidentiel , et de la souligner avant d’expédier le courrier de 14 pages. Il s’agit d’un rapport adressé au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur, et à la secrétaire d’État à l’Écologie le 4 septembre dernier, qui dresse un constat peu poliquement correct du fléau des algues vertes qui empoisonne la Bretagne depuis les années 1970, mais a pris une tournure plus polémique après la mort d’un cheval sur une plage des Côtes-d’Armor , le 28 juillet dernier.
Le préfet dit en secret ce que les associations disent tout haut depuis plus de trente ans
L’affaire a été rendue publique par la presse régionale Le Télégramme et Ouest-France.
Algues vertes. Attention, danger !
Algues Vertes. Le préfet charge les agriculteurs [Rapport confidentiel]
C’est un rapport sans commune mesure avec les discours habituels de la préfecture. Un rapport (hormis sa conclusion) qu’on croirait signé des associations écologiques. Un rapport qui n’aurait jamais dû être rendu public. Un rapport qui résonne, aussi, comme un aveu d’impuissance.
Le 4 septembre dernier, le préfet des Côtes-d’Armor, Jean-Louis Fargeas, a envoyé un courrier de 14 pages aux cabinets du Premier ministre, du ministre de l’Intérieur, du secrétariat d’Etat à l’Ecologie et au préfet de région.
Dans cette lettre, Jean-Louis Fargeas détaille le phénomène des marées vertes en indiquant, tout d’abord, que, "dans le contexte breton, il s’avère que le facteur limitant de la prolifération algale est en fait l’azote (...). L’azote qui permet le développement algal est apporté par les cours d’eau. Il est principalement d’origine agricole par l’intermédiaire des effluents (lisier et autres) et engrais minéraux (...).
Actions de surface
Le haut fonctionnaire détaille ensuite les conséquences des marées vertes (nuisances, effets sur la santé, mise en cause de l’Etat, coût du ramassage...), avant d’énumérer les actions entreprises par l’Etat pour lutter contre les algues vertes.
"La profession agricole n’est pas prête à accepter"
Mais, c’est surtout la conclusion du préfet qui détonne : "La diminution visible et notable de ce phénomène (les marées vertes, NDLR) ne pourra passer que par un changement profond des pratiques agricoles sur les secteurs concernés, ce que la profession agricole n’est pas prête à accepter pour le moment. Il s’agit de révolutionner sur ces secteurs, qui représentent 2190 exploitations (soit 25 % des exploitations agricoles dans les Côtes-d’Armor), les pratiques agricoles et changer complètement le modèle économique existant".
"Le phénomène des algues vertes ne peut que perdurer"
Et le préfet de poursuivre : "cette évolution n’est pas envisageable pour le moment, le phénomène des algues vertes ne peut donc que perdurer. Afin d’éviter que l’Etat soit de nouveau mis en cause et pour obtenir des résultats en la matière, il importe néanmoins d’afficher une politique volontariste pérenne visant à la stabilisation voir à la limitation raisonnée de ce phénomène des marées vertes. Ces actions ne pourront viser à supprimer totalement ce phénomène mais à en limiter les principales nuisances".
En attendant le rapport de décembre
La publication de ce courrier intervient alors que cet après-midi, la mission interministérielle voulue par François Fillon, est en déplacement à Saint-Brieuc pour auditionner les acteurs locaux du monde agricole et associatif mais également des élus.
Cette mission interministérielle (mise en place après la mort d’un cheval sur la plage de Saint-Michel-en-Grèves le 28 juillet) doit rendre son rapport début décembre.
Algues vertes. Le rapport confidentiel du préfet qui accable les agriculteurs
Thierry Creux
Alors qu’en préfecture, la mission interministérielle chargée du rapport sur les algues vertes recevait cette après-midi les comités de suivi des bassins versant de Lannion et de Saint-Brieuc, une note confidentielle adressée par Jean-Louis Fargeas le préfet des Côtes-d’Armor au Premier ministre, des ministres de l’Intérieur, et à la secrétaire d’État chargée de l’écologie, résonne comme un aveu d’impuissance.
Cette note confidentielle datée du 4 septembre 2009 fait suite au dépôt de 300 plaintes déposées par des associations environnementalistes et des particuliers à l’encontre de l’État et de l’« inaction » de cette dernière vis-à-vis de la prolifération des algues vertes sur le littoral costarmoricain.
"Arrêt total de l’agriculture"
Dans cette note de onze pages, le préfet ne cherche en rien à minimiser les choses. Il liste toutes les conséquences des marées vertes. Rappelle clairement que « la putréfaction des tonnes d’ulves dégage de l’hydrogène sulfuré, non seulement nauséabond, mais aussi néfaste pour les espèces vivantes du milieu et pour l’homme, ainsi que de l’ammoniac ». Autant d’affirmations plutôt portées jusque-là par les environnementalistes.
Le représentant de l’État fait plus loin état des actions déjà engagées pour enrayer le phénomène. Mais fait montre d’un certain scepticisme. « La mise en œuvre de ces mesures a permis, au mieux, de stabiliser les taux de nitrates présents dans les rivières, sans obtenir un résultat visible de diminution du phénomène des marées vertes. » Et d’entrevoir une solution radicale : « L’arrêt total de l’agriculture sur le bassin-versant avec conversion totale des terres en prairies fauchées mais non fertilisées permettrait d’atteindre 10 mg/l (de nitrate) en 2020, ce qui aurait un impact marquant sur le phénomène des algues vertes ».
Lire le rapport
Sa conclusion :
Une étude rendue par l’INRA en mars 2009 démontre que les taux de nitrate moyens actuels sur le bassin versant de la Lieue de Grève (170 exploitants agricoles) s’élèvent à 30mg/l. Pour limiter fortement les marées verts il faudrait descendre à 15 voir 10mg/l.
la transformation profonde sur ces secteurs des exploitations vers une agriculture fondée sur un système fourrager économe en intrant et la conversion des zones hydromorphes en prairies permanentes non fertilisées entraînerait une baisse de concentration en nitrate atteignant les 22,5 mg/ en 2020 : limitation mesurées du phénomène.
l’arrêt total de l’agriculture sur le BV avec conversion totale des terres en prairies fauchées mais non fertilisées permettrait d’attendre 10mg/l en 2020 ce qui aurait un impact marquant sur le phénomène des algues vertes.
En conclusion la diminution visible et notable de ce phénomène ne pourra passer que par un changement profond des pratique agricoles sur les secteurs concernés, ce que la profession agricole n’est pas prête à accepter pour le moment. Il s’agit de révolutionner sur ces secteurs, qui représentent 2190 exploitations (soit 25% des exploitations agricoles des Côtes d’Armor), les pratiques agricoles et changer complètement le modèle économique existant.
Cette évolution n’eat pas envisageable pour le moment, le phénomène des algues vertes ne peut donc que perdurer.
Une chose est certaine : pour une fois un préfet fait un rapport sans langue de bois, attendons avec intérêt les réactions.
En attendant merci à l’informatrice ou informateur qui a levé le "secret défense" et merci à la presse qui a relayé l’information.
Une carte instructive
Retour en arrière. Ce texte écrit il y a dix ans est toujours d’actualité.
Des marées noires aux marées Vertes