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Les Rayons X et les rayonnements radioactifs, quand on ne parlait pas encore de principe de précaution.
samedi 13 octobre 2007
Cet article a pour objectif d’illustrer, à travers la découverte des rayons X en 1895, la fascination pour une technique nouvelle et l’absence d’esprit critique vis à vis de son usage.
Encore aujourd’hui le "principe de précaution" est une notion qui dérange. Les expériences passées devraient pourtant nous inciter à réfléchir.
Nous suivrons, mois après mois, la découverte qu’en font, à la fois, le grand public et les savants et ingénieurs les plus impliqués.
Nous verrons des anonymes exposés sans aucune retenue et des hommes de science entraînés jusqu’à en mourir par une passion dévorante.
Nous terminerons par une évocation rapide de l’évolution des normes de radioprotection.
L’essentiel de la documentation sera extraite de "La Nature, Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie. " qui paraît depuis 1873. Quelques documents complémentaires proviennent de l’ouvrage de Guy et Marie-José Pallardy et de Auguste Wackenheim : "Histoire illustrée de la radiologie" (Editions Roger Dacosta - Paris - 1989).
Cet article fait également l’objet d’un chapitre dans "L’histoire de l’électricité", de Gérard Borvon, paru en septembre 2009 chez Vuibert
Bobine de Ruhmkorff, tube de Crookes : les éléments de la découverte.
Dans les années 1890 deux appareils occupent une place de choix dans tous les laboratoires qui se préoccupent de physique :
une source de haute tension électrique : la bobine de Ruhmkorff.
un tube cathodique : le tube de Crookes.
Ces appareils ne sortent pas du néant. Dès les débuts de l’électricité des machines électriques alimentent des sphères ou des tubes de verre dans lesquels on a réalisé le vide.
Les étranges phénomènes observés provoquent à la fois de l’admiration, de l’inquiétude et de nombreuses interrogations.
La bobine de Ruhmkorff
A partir de la découverte de la pile électrique par Volta (1800), les applications chimiques et magnétiques du courant électrique occupent l’essentiel de l’activité des savants et ingénieurs. Les sources de tension généralement utilisées sont de l’ordre de quelque dizaines, voire quelques centaines de volts jusqu’à ce que des techniciens habiles proposent de nouveaux générateurs capables de produire des hautes tensions.
Heinrich Daniel Ruhmkorff (1803-1877) est un mécanicien et électricien allemand installé à Paris où il fabrique des instruments électriques
et électromagnétiques de grande précision à un moment où l’électromagnétisme se développe.
Il réalise, en 1851, une bobine d’induction qui surpasse celles déjà imaginées par d’autres techniciens avant lui.
Sa bobine est un transformateur alimenté par un courant primaire de basse tension. Celui-ci est interrompu très fréquemment, ce qui produit un courant secondaire induit et de tension très élevée, capable de produire de fortes étincelles.
Les usages de la bobine seront multiples. L’étincelle permettra de provoquer l’explosion de mines à distance. La haute tension alimentera les ampoules à vide déjà utilisées par les premiers électriciens et qui deviendront les "tubes cathodiques" qui alimentent encore beaucoup de nous téléviseurs et écrans d’ordinateurs.
Et provoquent aussi de fortes secousses aux imprudents qui en touchent les deux pôles. Une propriété que des démonstrateurs forains s’empressent de faire sentir contre monnaie sur les quais de Paris.
Le tube de Crookes
Crookes, sir William (1832-1919), chimiste et physicien britannique, a laissé son nom comme "l’inventeur" du premier tube à vide. La forme qu’il donne à ce tube (que l’on retrouve encore dans nos lycées) rend commode l’étude du rayonnement qui émane de sa cathode.
Alimenté par une bobine de Ruhmkorff, ce tube est présent dans tous les laboratoires, petits ou grands, de l’ensemble de l’Europe. La lumière qu’il émet fascine.
Elle peut être déviée par un champ électrique ou magnétique, elle rend fluorescent le verre qu’elle frappe.
Ces rayons que l’on nomme à présent "rayons cathodiques", que sont-ils ? Un jet de particules chargées d’électricité ? Une forme particulière de rayonnement lumineux ?
La question agite tout le monde des savants européens et partout des tubes de Crookes, alimentés par des bobines de Ruhmkorff, sont sollicités afin de lui apporter une réponse satisfaisante.
Sur la voie d’un étrange rayonnement
Plusieurs chercheurs, dont Hertz, avaient mis en évidence l’existence d’un rayonnement sortant du tube à partir de la zone d’impact des rayons cathodiques sur le verre. Ce rayonnement pensaient-ils ne pouvait être que de nature lumineuse. Une lumière particulière capable de traverser une fine plaque d’aluminium et d’impressionner une plaque photographique placée derrière elle.
Lénard, élève et préparateur de Hertz perfectionne la méthode en utilisant un tube fermé par une mince feuille d’aluminium. Le tube lui même est enfermé dans un cylindre métallique afin que la phosphorescence provoquée par le rayon cathodique à l’intérieur du tube ne viennent pas perturber l’observation.
Par ce moyen il vérifie la possibilité d’impressionner un papier photographique enfermé dans une boîte ou de rendre lumineux un écran fluorescent placé à quelque distance.
Il approche de très près une découverte d’importance. C’est son collègue Wilhelm Röntgen qui sera à ce rendez-vous.
Röntgen et les rayons X
Wilhelm Röntgen est professeur à l’université Julius Maximilian de Würzburg en Allemagne. L’observation qu’il révèle en décembre de l’année 1895 va rapidement faire le tour de l’Europe.
« Si on laisse passer la décharge d’une grosse bobine de Ruhmkorff à travers un tube à vide et que l’on recouvre le tube d’un manteau suffisamment ajusté de carton noir mince, écrit-il, on voit alors, dans la pièce complètement obscure, qu’un écran de papier recouvert de platinocyanure de baryum, amené à proximité de l’appareil, s’illumine fortement et devient fluorescent lors de chaque décharge. Cette fluorescence est encore visible à deux mètres de l’appareil. On est rapidement convaincu que cette fluorescence provient de l’appareil à décharge et d’aucun autre endroit de la conduite électrique. »
Il constate alors que ces rayons, jusqu’alors inconnus et qu’il baptise pour cette raison rayons "X", sont si pénétrants qu’ils sont capables non seulement de traverser l’air mais aussi le verre, le papier, le bois.
L’observation a déjà été faite mais Röntgen réalise une expérience inédite qui parle immédiatement à l’imagination.
S’il place sa main entre le tube et l’écran. Il en voit alors distinctement l’ombre et aperçoit également celle, plus claire, de ses os.
Voir à travers le corps humain, quoi de plus merveilleux ? On est bien loin des austères observations de laboratoire !
En recevant le rayonnement sur une plaque photographique encore plus sensible que l’oeil humain, il prouve que tout ceci n’est pas une illusion et il en laisse une trace qu’il peut immédiatement diffuser dans l’Europe entière.
Méticuleux, Wilhelm Röntgen va rester seul dans son laboratoire durant, dit-on, sept semaines pour multiplier les observations. Quand il publie ses premiers clichés, et en particulier la photo d’une main féminine, celle de son épouse, portant une bague, c’est une véritable frénésie qui s’empare des laboratoires tous équipés du matériel qui permet de les reproduire dans l’instant.
L’épopée des Rayons X
Dès lors nous allons suivre à travers les articles de "La Nature" l’avancée fulgurante des applications imaginées pour ces rayons inconnus. Elles recouvrent, dès les premiers mois, l’ensemble des applications actuelles. Nous constaterons que l’exaltation détruit tout réflexe de précaution.
Décembre 1895. Annonce de la découverte des rayons X de M. le professeur Wilhelm Conrad Röntgen.
Février 1896. Un premier article dans la revue "La Nature" avec la photographie du squelette d’une main. "Est-il nécessaire d’insister sur les immenses applications de cette nouvelle découverte ?", écrit l’auteur de l’article, " La possibilité de voir à travers le corps humain donnera au médecin un puissant moyen d’investigation. Un os brisé montrera toutes ses esquilles, que l’on pourra rechercher à l’endroit précis où elle se trouvent ; une balle, une aiguille même révélera sa présence par l’ombre qu’elle projettera sur l’écran ou sur la plaque sensible."
Mars 1896. Annonce de premiers usages médicaux des rayons X. Une balle est repérée dans une main blessée, une fracture de la jambe non consolidée est observée.
Mai 1896. La méthode se perfectionne. De superbes "radiographies" sont proposées.
Les ustensiles contenus dans une trousse de couture
ou le "squelette" de coquillages.
Juin 1896. Une nouvelle est arrivée d’Amérique. Le célèbre Edison a mis au point un fluoroscope qui permet d’observer directement à travers les corps. Un écran sensible est placé à l’extrémité d’une "chambre noire" dans laquelle l’observateur plonge le regard. Il suffit donc d’un tube de Crookes et de cette boîte pour que chacun puisse observer les os de sa propre main placée sur l’écran et irradiée par la lampe placée en face.
Edison précise bien que la réussite dépend de la puissance du tube de Crookes utilisé, c’est-à-dire du vide réalisé. Ce sont donc des rayons X de forte intensité qui viennent frapper l’observateur et en particulier son visage et ses yeux.
Une nouvelle version du fluoroscope de Edison, plus commode, est proposée pour les médecins. Comme la première, elle expose fortement l’utilisateur.
La douane également s’en équipe.
Septembre 1896. Un homme a reçu une balle dans la tête mais il n’en est pas mort. Une radiographie localise la balle après "sept quarts d’heures de pose" qui ont fatigué le patient et interdit une autre prise de vue.
On annonce aussi la radiographie d’une enfant nouveau né. De quoi faire frémir le lecteur contemporain quand on sait que l’exposition à une source intense de rayons X a duré plus de une heure. On observera bientôt les enfants à naître au sein même de leur mère !
Par une radioscopie des poumons d’un homme atteint de pleurésie, il a été possible d’étudier l’évolution de la maladie. La tuberculose osseuse ou pulmonaire, maladie caractéristique de l’époque, sera bientôt la cible privilégiée des auscultations par rayons X.
Octobre 1896. Encore une balle. Cette fois c’est dans la tête d’un enfant. Le tube à rayons X a été placé à ½ pouce du crâne des l’enfant. La pose a duré une heure.
L’intérêt de la communication réside dans la suite de l’article titré : "Action dépilatoire des rayons X".
L’auteur explique : "au bout de 21 jours après l’expérience, les cheveux se mirent à tomber à l’endroit de pénétration des rayons X sur un diamètre de deux pouces à peu près ; la peau est saine ; le malade n’éprouve aucune douleur ; il n’y avait là aucune lésion".
Nulle inquiétude chez l’auteur qui propose, en guise de conclusion, d’utiliser cette méthode rapide et commode pour la dépilation.
Les rayons X, le dernier cri de la mode
Une bobine de Ruhmkorff, un tube de Crookes, un écran fluorescent ? Quoi de plus simple qu’un équipement pour rayon X, d’autant plus que plusieurs fabricants se disputent un marché qui promet d’être juteux.
Ils offrent eux mêmes des démonstrations et ouvrent des cabinets de radiologues où leurs assistantes tiennent souvent le rôle du cobaye. Elles découvriront bientôt les effets de ces expositions répétées.
Mais c’est dans la rue que le succès devient le plus fort. De grands magasins attirent leur clientèle avec les deux spectacles du moment : le cinématographe et les rayons X.
Le grand chic pour un magasin de chaussures consiste à radiographier le pied de leurs clientes.
L’appareil à rayon X, comme avant lui le tube de Crookes, devient même l’un des éléments des cabinets d’occultisme.
Le revers de la médaille
Novembre 1896. Un premier article titré : "les méfaits des rayons X". Le témoin a été démonstrateur en rayons X pendant l’été à Londres. Il a, donc, payé de sa personne pendant tout l’été à raison de plusieurs heures par jour d’exposition. Il témoigne :
"Dans les deux ou trois premières semaines je n’en ressentis aucun inconvénient mais au bout de quelque temps apparurent sur les doigts de ma main droite de nombreuse tâches foncées qui perçaient sous la peau. Peu à peu elles devinrent très douloureuses ; le reste de la peau était rouge et fortement enflammé. Ma main me faisait si mal que j’étais constamment obligé de la baigner dans de l’eau très froide… ". Une pommade calme momentanément la douleur mais " l’épiderme s’était desséché, il était devenu dur et jaune comme du parchemin et complètement insensible ; je ne fus donc pas surpris lorsque ma main se mit à peler".
Bientôt la peau puis les ongles tombent, les doigts enflent, les douleurs sont incessantes,
"j’ai perdu trois épiderme de la main droite et un de la main gauche, quatre de mes ongles ont disparu de la main droite et deux de la gauche et trois autres sont prêts à tomber. Pendant plus de six semaines j’ai été incapable de faire quoi que ce soit de ma main droite et je ne puis tenir une plume que depuis la perte de mes ongles… "
Le journaliste, rédacteur de l’article se veut cependant rassurant. Ce récit dit-il " pourrait effrayer quelques personnes qui tiennent à leur peau et les éloigner pour toujours du tube producteur des mystérieux rayons, c’est pourquoi nous croyons devoir insister sur le fait que les premiers désordres se sont produits après plusieurs semaines d’une exposition quotidienne d’un tube assez puissant pour permettre les démonstrations publiques."
Février 1897. Les médecins ont découvert ce qui sera l’un des usages essentiel des rayons X : on peut détecter une affection pulmonaire et en particulier une tuberculose par une radioscopie.
Un médecin détecte une tuberculose au dernier stade chez un jeune homme de 20 ans. Son père ayant entendu parler de cobayes tuberculeux guéris après exposition aux rayons X, demande de faire appliquer le traitement à son fils.
Le patient est soumis à une heure d’exposition aux rayons X chaque matin pendant plus d’un mois. On s’est assuré au préalable du fait que les rayons produits étaient suffisamment pénétrants.
Même si la peau de sa poitrine doit subir de multiples brûlures, l’état du malade s’améliore au point qu’on le considère bientôt comme guéri.
L’a-t-il été définitivement ? Cette exposition a-t-elle eu des effets secondaires ? Nous ne le saurons pas.
Mai 1897. Deux expérimentateurs qui utilisent les rayons X depuis un an signalent l’effet produit sur leurs mains. L’épiderme s’est épaissi, les poils sont tombés, les ongles se sont exfoliés au point que l’on craint de les voir tomber.
Ce n’est qu’un début. Bientôt les plaies ne cicatrisent plus. Des cancers apparaissent sur les parties exposées. Il faudra amputer les doigts puis les membres de manipulateurs trop assidus. Ce sera souvent insuffisant et l’issue en sera fatale.
On observe aussi une modification de la formule sanguine et de nombreux cas de stérilité.
Des mesures de précaution sont préconisées. Dès 1904 un praticien américain conseille d’améliorer les tubes par l’usage d’une enceinte imperméable aux rayons X ; de verre au plomb devant les écrans d’observation, d’une protection pour les opérateurs. On commence à comprendre les mécanismes de l’action des rayons X sur les cellules vivantes.
Mais bientôt ce sera la guerre 14/18 et l’usage massif des rayons X dans les infirmeries de campagne. "A la guerre, comme à la guerre" est une slogan bien connu. Les précautions viendront plus tard !
C’est en 1921 que Stanley Melville, pionniers des Rayons X et atteint par des lésions, propose la création en Angleterre du "British X-Ray an Radium Protection Committee". Celui ci émet des recommandations généralement ignorées par les radiologues qui les trouvent incommodes.
En 1925 se tient à Londres le premier "Congrès International de Radiologie" qui met en place une commission internationale de protection à laquelle adhèrent la Grande Bretagne, les Etats Unis, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède. Les recommandations portent à la fois sur les rayons X et les radiations radioactives, désignés globalement sous le terme de "rayonnements ionisants", dont les effets ont été reconnus similaires.
Un monument à la mémoire des victimes des radiations
Le Professeur allemand, Hans Meyer, directeur d’une revue de thérapie par les rayonnements prend l’initiative d’un "Monument à la mémoire des victimes des radiations".
Il est inauguré en 1936 au voisinage du Pavillon Roentgen de l’hôpital St-Georg, à Hambourg.
Sur une colonne il porte le nom de 159 victimes dont la mort pour cause d’irradiation est certifiée.
La dédicace est de celles qui s’inscrivent sur les monuments aux morts de la dernière guerre.
Aux radiologues de toutes les nations : médecins, physiciens, chimistes, techniciens, laborantins et infirmières qui ont fait don de leur vie dans la lutte contre les maladies de l’humanité. Ils ont héroïquement préparé la voie à une utilisation efficace et dépourvue de dangers des rayons X et du Radium ! Les oeuvres des morts sont immortelles.
Le monument "au radiologues de toutes les nations" à Hambourg.
Mais bientôt une nouvelle guerre sera là qui se terminera par les explosions nucléaire de Hiroshima et Nagazaki. A travers la fission nucléaire, l’utilisation "efficace et dépourvue de danger" de la radioactivité s’est transformée en holocauste !
Les Rayons X au lycée de l’Elorn à Landerneau.
Les élèves du lycée de l’Elorn avaient la chance de pouvoir consulter la revue "La Nature", revue de vulgarisation du 19ème siècle, qui se trouvait aux archives municipales proches du lycée. En 1995, ils ont répondu à un concours sur l’histoire des rayons X dans lequel la classe de 1ere L2 a été classée première et leur camarade Edwige Grigol première à titre de premier prix individuel.
Les articles de la revue "La Nature" consacrés aux rayons X.
1896 premier semestre :
129 Les rayons X de M. le professeur Wilhelm Conrad Röntgen
155 Les ombres radiographiques de M. le professeur W. Conrad Röntgen
157 Rayons invisibles (Rayons X) de M. W. C. Röntgen. Expériences de M. Puluj, de Prague
274 Application industrielle des rayons X (E. H.)
293 Les rayons X et le Diamant
327 Recherches récentes sur les rayons de Röntgen
367 Radiographies par les rayons X. Utilisation des écrans fluorescents à leur production rapide
143 La photographie des parties intérieures du corps
143 Photographie à travers des corps opaques
143 Propriétés des radiations de Röntgen
207 La lumière noire et les radiations de Röntgen
223 La pénétration de la lumière au travers des corps opaques
223 Application des rayons de Röntgen
239 Production commode des radiations de Röntgen
271 Propriétés des rayons de Röntgen
287 La perméabilité des corps aux différentes radiations
302 Les rayons de fluorescence et les rayons de Röntgen
1896 deuxième semestre :
26 Recherches récentes sur les rayons de Röntgen
190 Effets de la chaleur et de l’électricité sur certains corps soumis à l’influence des rayons X
207 Nouvelle application des rayons de Röntgen
239 Le mode d’émission des rayons X
286 Action dépilatoire des rayons X
287 La dernière application des rayons X
319 Les rayons X et l’authenticité des momies
415 Les radiations émises par l’uranium
1897 premier semestre
179 Les rayons Röntgen et les affections pulmonaires
218 Propriétés nouvelles des rayons X
47 La radioscopie appliquée à la pathologie
142 Une curieuse application des rayons X
159 Application nouvelle de la radiographie
190 Les enveloppes inviolables aux rayons de Röntgen
238 Les mouches et les rayons X
254 Une nouvelle application des rayons X
303 Le passage de la lumière au travers des corps opaques
318 Propriétés d’un nouvel appareil générateur des rayons X
319 Propriétés nouvelles des rayons X
1897 deuxième semestre
103 Les rayons Röntgen et les momies
147 Les rayons X et les métaux. Les rayons X et la douane
180 La lumière du ver luisant et les rayons X
317 Application des rayons X à l’étude des tubercules de la pomme de terre
47 Lésions organiques occasionnées par les rayons X
351 Une nouvelle ampoule pour la production des rayons X
On peut trouver un développement de cet article dans ouvrage paru en septembre 2009 chez Vuibert : "Une histoire de l’électricité, de l’ambre à l’électron"
extrait du commentaire paru dans le Bulletin de l’Union des Physiciens.
Voici un ouvrage à mettre entre toutes les mains, celles de nos élèves dès les
classes de premières S et STI de nos lycées, et entre les mains de tous les futurs enseignants
de sciences physiques et de physique appliquée (tant qu’il en reste encore !).
L’auteur est un
collègue professeur de sciences physiques, formé à l’histoire des sciences, et formateur des enseignants
en sciences dans l’académie de rennes. Bref quelqu’un qui a réfléchi tant à l’histoire de sa
discipline qu’à son enseignement et sa didactique, et cela se sent. Le style est fluide et imagé, bref
plaisant au possible...
...voici donc un bon ouvrage permettant de se construire une culture scientifique sans l’âpreté
des équations de la physique.
Commentaire lecteur :
Ce livre n’est pas du tout rigide et formel, il se lit très bien et c’est ce qui fait qu’on retient plus de choses ! Les anecdotes y sont très bien rapportées et on s’amuse à les lire. Ce livre casse la malheureuse idée rigide et complexe que l’on peut avoir des sciences, on apprend en s’amusant et ça réconcilie les gens avec la physique, tant mieux !!!
Les rayonnements ionisants après l’entrée dans l’ère nucléaire.
L’ère du nucléaire militaire.
Des bataillons de médecins et de scientifiques ont investi le Japon. Les irradiés de Hiroshima et Nagazaki ont enrichi les connaissances sur les effets des radiations. Le public en sera-t-il mieux protégé ?
Une nouvelle guerre a été déclarée. Une guerre de l’ombre qui s’est traduite par l’escalade dans l’armement nucléaire. Des bombes vont exploser en plein ciel libérant sur l’ensemble de la Planète les radio-éléments qui vont la contaminer pour des millénaires.
Au Névada des militaires vont être contraints à sortir des tranchées sous le champignon radioactif. Les enfants des écoles seront invités à assister au spectacle à distance. Les populations voisines recevront les retombées.
A Semipalatinsk, en URSS, les villages voisins des explosions ne seront pas évacués et les habitants utilisés comme cobaye.
Dans le Sahara ou à Moruroa, la France exposera aux radiations, les militaires de carrière aussi bien que les "appelés". Les populations de Polynésie ont été exposées en toute connaissance de cause. Malades aujourd’hui ils se battent pour la reconnaissance des dommages qu’ils ont subi.
L’ère du nucléaire "civil"
Dans cette activité "civile" intimement liée à l’ctivité "militaire" l’exposition aux radiations est également la règle. Exposition des travailleurs dans les mines, particulièrement en Afrique. Exposition des travalleurs employés en sous traitance pour les nettoyages des enceintes ou leur démantèlement. Exposition et surtout contamination des riverains à l’occasion des accidents. Three Miles Island aus USA et Tchernobyl en Ukraine sont suffisamment explicites.
Cachez ces rayonnements que nous ne saurions voir.
Pour développer ces deux activités il était de toute importance d’endormir la vigilance des populations et en particulier de geler toute recherche et toute information sur les effets des "petites doses" de rayonnement ionisants.
Des "normes" étaient fixées par des organismes présentés comme "indépendants", comme la Commission Internationale de protection radiologiques (CIPR) mais ces normes étaient dictées par un impératif :
être un compromis acceptable entre la protection de la santé et le nécessaire développement de l’industrie nucléaire que des normes trop strictes pourraient gêner..
Le terme adopé par le CIPR en 1977 est :
« aussi bas que raisonnablement possible compte tenu des
facteurs économiques et sociaux » (document joint)
Ce sont les luttes antinucléaires qui, à partir des années 1970, ont relancé les interrogations sur ces normes.
C’est Alice Steward, aux USA, qui enquête sur la santé des 35 000 personnes employées entre 1944 et 1977 à la centrale nucléaire de Hanford. Elle établit avec certitude une corrélation entre "faibles doses" reçues et survenue de cancers. Elle met en évidence une notion admise par tous aujourd’hui : il n’y a pas de seuil ! Toute irradiation peut être à l’origine d’un cancer.
C’est la "Gazette du Nucléaire" en France ou encore l’association PRI (Protection contre les Rayonnements Ionisants) qui font l’information que les autorités officielles s’emploient à dissimuler.
Et les rayons X ?
Dans ces années de développement de l’industrie nuycléaire, tout se passe comme si aucune nouvelle donnée sur la possible nocivité des rayons X n’avait été portée à la connaissance des services médicaux.
L’usage des rayons X a, certes, été utile dans de nombreuses applications médicales et l’est toujours mais la technique est-elle sans danger et ces dangers sont-ils bien évalués ?
Dans les années de l’après guerre on a lutté contre la tuberculose dans les écoles à coup de radioscopie annuelle et obligatoire.
L’appareil de radioscopie a meublé tous les cabinets des médecins et était utilisé comme un banal stétoscope. Les femmes enceintes elles mêmes nétaient pas épargnées.
Là encore les militants antinucléaires sont intervenus. Ils interpellent les médecins, les autorité médicales et bientôt la radioscopie systématique disparaîtra de l’univers médical.
Les normes sont devenues plus strictes mais sont-elles encore satisfaisantes ?
Sait-on que c’est L’Euratom (CEEA, ou Communauté européenne de l’énergie atomique) qui a en charge la fixation des normes dans le domaine médical ?
L’Euratom a été institué par le traité de Rome en 1957 pour une durée « illimitée ». Dans l’esprit de ses membres fondateurs (les membres de la CECA et de la CEE), l’Euratom est chargé de coordonner les programmes de recherche sur l’énergie nucléaire. Il vise notamment la « formation et la croissance rapide des industries nucléaires ».
C’est donc cet organisme dont le but est d’abbattre tous les obstacles qui freinent le développement de l’industrie nucléaire, et donc les normes qui l’entravent, qui, le 30 juin 1997 publie la Directive 97/43/Euratom du 30 juin 1997
relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales, remplaçant la directive 84/466/Euratom.
Cette directive retranscrite, pour ce qui concerne l’aspect médical, en droit français à travers le Décret n° 2003-270 du 24 mars 2003 relatif à la protection des personnes exposées à des rayonnements ionisants à des fins médicales et médico-légales et modifiant le code de la santé publique
Cette fois l’objectif affiché évacue l’impératif économique.
"toute exposition d’une personne à des rayonnements ionisants, dans un but diagnostique, thérapeutique, de médecine du travail ou de dépistage, doit faire l’objet d’une analyse préalable permettant de s’assurer que cette exposition présente un avantage médical direct suffisant au regard du risque qu’elle peut présenter et qu’aucune autre technique d’efficacité comparable comportant de moindres risques ou dépourvue d’un tel risque n’est disponible."
Il aura fallu toutes ces années avant que l’intérêt des malades prenne le pas sur l’intérêt économique. Reste à espérer que les " techniques d’efficacité comparable comportant de moindres risques ou dépourvues d’un tel risque" seront partout à la disposition de chacun.
Reste à espérer aussi que tous les moyens de contrôle seront développés. De récentes affaires de surexposition par des appareils mal réglés prouvent que la vigilence est encore insuffisante.
Reste surtout à developper la recherche afin de limiter encore l’usage et l’intensité de ces radiations dont l’effet s’ajoute à celui de tous ces polluants du "progrès" : amiante, pesticides, colles, vernis....
Quant à l’irradiation due à l’industrie nucléaire. Le démantèlement de la centrale électrique de Brennilis qui vient d’être arrêté pour cause de non respect des procédures et des normes nous prouve que le "principe de précaution" est encore un terme sans contenu pour les promoteurs de cette industrie.
APPEL DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE POUR L’INDEPENDANCE DE L’OMS
adressé à Madame CHAN, Directrice Générale de l’OMS et au Ministre de la Santé de votre pays
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) tend à résoudre les problèmes de santé publique. À cet effet, elle doit « aider à former parmi les peuples, une opinion publique éclairée » (Constitution de l’OMS, entrée en vigueur le 7 avril 1948). Or, depuis la signature le 28 mai 1959 de l’Accord OMS-AIEA (WHA 12-40), l’OMS paraît soumise à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), pour ce qui concerne les risques liés à la radioactivité artificielle, notamment dans l’étude des conséquences sanitaires de l’explosion de Tchernobyl. Professionnels de la santé, nous nous joignons à ceux qui demandent que l’OMS recouvre son indépendance, conforme à sa Constitution, y compris dans le domaine des rayonnements ionisants.
Par le passé, l’OMS infiltrée par le lobby du tabac, a été paralysée dans la lutte contre le tabagisme passif. De la même manière, l’OMS est paralysée par le lobby de l’atome, incomparablement plus puissant, représenté par l’AIEA, placée au plus haut de la hiérarchie de l’ONU. Cette agence dépend du Conseil de Sécurité, d’où elle coordonne la promotion du nucléaire commercial. L’OMS et les autres agences dépendent, elles, seulement du Conseil Economique et Social.
L’objectif statutaire principal de l’AIEA est « l’augmentation et l’accélération de la contribution de l’énergie atomique pour la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier ». L’Accord de 1959 exige que « chaque fois que l’une des parties se propose d’entreprendre un programme ou une activité dans un domaine qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l’autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d’un commun accord ». L’Accord prévoit aussi, article III, « ... de prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de certains documents ». Cette confidentialité a conduit à la non-publication des actes des Conférences OMS de Genève sur Tchernobyl du 23-27.11.95. Promis pour mars 1996, les 700 participants attendent encore ces documents. Le Dr. Nakajima, alors Directeur Général de l’OMS, confirme en 2001, devant la télévision suisse italienne, que la censure des actes est due aux liens juridiques entre l’OMS et l’AIEA.
Pour les projets de recherche, « régler la question d’un commun accord », c’est ôter toute liberté à l’OMS dans le domaine des accidents nucléaires. L’annexe au programme des Conférences OMS de Genève, illustre ce fait, quand elle décrit la chronologie de l’accident de Tchernobyl. L’annexe confirme que sur le terrain, l’OMS s’est engagée trop tard. Les deux derniers points méritent d’être relus :
« Début 1990 L’OMS [est] invitée par le Ministère soviétique de la Santé à mettre sur pied un programme international d’aide » ;
« Mai 1991 Achèvement du Projet International par les soins de l’AIEA ».
Ainsi c’est l’AIEA qui a fourni les plans demandés par le Ministre de la Santé de l’URSS, en lieu et place de l’OMS. Ceci explique que les atteintes génétiques connues pour être essentielles depuis la publication en 1957 du rapport d’un groupe d’étude réuni par l’OMS sur les « Effets génétiques des radiations chez l’homme », aient été omises, les caries dentaires ayant pour l’AIEA une plus haute priorité.
En conséquence, ce sont les promoteurs du nucléaire, l’AIEA et son porte-parole l’UNSCEAR, tous deux obligés aux cadres autoproclamés de la CIPR 1, qui informent l’ONU sur les problèmes de santé à Tchernobyl. Citant 32 morts par irradiation en 1996, ils en concèdent 54 en 2005, et 4000 cancers de la thyroïde chez l’enfant, que l’AIEA ne peut plus contester, comme elle le fit jusqu’en 1995.
Il est urgent que l’OMS vienne en aide à un million d’enfants condamnés à vivre en milieu contaminé par des radionucléides de Tchernobyl. L’irradiation se fait jusqu’à 90% par voie interne, le reste par voie externe. Certains organes concentrent énormément de radionucléides. L’irradiation très chronique qui en résulte a des effets délétères sur la santé. Au Bélarus aujourd’hui, 85% des enfants des régions contaminées sont malades ; avant l’explosion ce n’étaient que 15%.1 Le Médecin chef de la Fédération de Russie signalait, en 2001, que 10% des 184.000 liquidateurs russes étaient décédés et qu’un tiers était invalide. L’Ukraine a fourni 260.000 liquidateurs. Selon le communiqué de presse de l’ambassade d’Ukraine à Paris publié le 25 avril 2005, 94,2% d’entre eux étaient malades en 2004. Lors des Conférences de Kiev en 2001, on apprenait que 10% de ces travailleurs sélectionnés, la moitié étant de jeunes militaires, étaient décédés et qu’un tiers était gravement invalide, la situation se détériorant rapidement. L’ambassade d’Ukraine comptait 87,85% de malades chez les habitants des territoires encore radiologiquement contaminés. La proportion des malades augmentait d’année en année.
Des centaines d’études épidémiologiques en Ukraine, au Bélarus ou dans la Fédération de Russie ont établi l’apparition dans les territoires contaminés d’une augmentation significative de tous les types de cancers causant des milliers de morts, une augmentation de la mortalité périnatale et infantile, un grand nombre d’avortements spontanés, un nombre croissant de malformations et d’anomalies génétiques, des troubles et des retards du développement mental, un nombre croissant de maladies neuropsychiques, de cécités et de maladies des systèmes respiratoire, cardiovasculaire, gastro-intestinal, urogénital et endocrinien.
Nous, professionnels de la santé, nous nous joignons aux associations qui depuis plus de dix ans contestent ces dérèglements. Nous soutenons les vigies qui stationnent silencieusement à l’entrée de l’OMS depuis le 26 avril 2007. Nous demandons avec eux la révision de l’Accord (WHA 12-40) afin de rendre à l’OMS son indépendance conforme à sa Constitution.
Nous demandons que la révision de l’Accord soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée Mondiale de la Santé (WHA), pour que l’OMS puisse « agir en tant qu’autorité directrice et coordinatrice, dans le domaine de la santé » ; « stimuler et guider la recherche... » ; « fournir toutes informations, donner tous conseils et toute assistance dans le domaine de la santé » [Articles 2 a, n et q de la Constitution de l’OMS], même lorsqu’il s’agit de rayonnements ionisants ou des conséquences sanitaires de Tchernobyl. Il faut étudier l’effet des faibles doses très chroniques, liées à l’incorporation prolongée de radionucléides artificiels.
Signaux précoces et leçons tardives : Le principe de précaution 1896 - 2000
Rayonnement : signaux précoces, effets tardifs
Auteur : Barrie Lambert
Validation de la traduction française : Scott Altmann
Depuis la découverte du rayonnement ionisant voici un peu plus de cent ans, on a pu observer
qu’une exposition inadéquate est susceptible d’entraîner des effets nocifs, voire la mort.
Cependant, l’ébullition générale de la communauté scientifique et la publicité, souvent
inappropriée, qui suivirent ces découvertes, firent que l’on n’a pas accordé d’importance aux
dommages de ce rayonnement sur la santé, particulièrement à long terme. La valeur médicale
incontestable des rayons X et des radio-isotopes d’un point de vue diagnostique et
thérapeutique entraîna un manque de précaution, et il fallut attendre plusieurs décennies avant
que ne soit mis en place un contrôle de l’exposition de la population et des travailleurs. Ce
contrôle se développa lentement, à mesure que les connaissances sur les processus
d’interaction entre le rayonnement et les tissus biologiques se précisaient mais, le plus
souvent, il ne fut introduit qu’après que l’on disposât de preuves évidentes de cet effet. Ces
soixante-dix dernières années, les changements survenus dans les recommandations relatives
à l’exposition aux rayonnements furent générale ment plus restrictifs. On a d’ailleurs pu
observer, ces vingt dernières années, que le risque est quatre ou cinq fois plus important que
ce que l’on avait pensé jusque- là. Les contrôles n’ont néanmoins pas toujours permis de définir
de manière adéquate l’équilibre entre les risques et les avantages. Pour pouvoir comprendre et
analyser le développement de la radioprotection, il faut faire un bond de plus de cent ans en
arrière.
3.1. Les rayons X
C’est à Wilhelm Conrad Röntgen que l’on attribue la découverte des rayons X à l’université de
Wurtzburg en 1895 mais nous disposons de preuves raisonnables qui permettent d’établir
qu’un certain nombre d’autres physiciens, notamment Goodspeed en 1890, avaient produit un
rayonnement pénétrant similaire sans en apprécier la portée. Röntgen fut le premier à publier
un rapport sur la production de rayons X (Röntgen, 1895) et il reconnut immédiatement leur
valeur à des fins de diagnostic médical - en fait, il fit connaître son travail en envoyant une
radiographie de la main de sa femme à des scientifiques renommés. L’application de cet
instrument au diagnostic médical suscita immédiatement de l’intérêt dans le monde entier, et
étant donné l’approche désinvolte généralement adoptée par les médecins, des lésions dues
aux rayons X apparurent rapidement. Les mondes scientifique et profane étaient captivés par
ce nouveau phénomène, qui pouvait pénétrer les tissus humains et révéler les structures
osseuses. Malgré les avertissements occasionnels inquiétants affirmant le contraire
(Thompson, 1898), le consensus général était que les rayons X, utilisés judicieusement, ne
présentaient pas d’effets nocifs. On supposait, d’une manière simpliste, qu’un agent qui ne
pouvait pas être perçu par les sens ne pouvait être nocif - ironiquement, c’est aujourd’hui
l’argument avancé par excellence pour justifier les craintes irraisonnées à l’égard du
rayonnement.
Des cas de lésions furent rapportés dès 1896 ; par exemple, Thomas Edison, Telsa et Grubbe
détectèrent des lésions aux yeux et sur la peau et le premier invoqua une exposition excessive
aux rayons X (Edison, 1896). Malheureusement, il était trop tard pour l’assistant d’Edison,
Clarence Dally, qui souffrait d’une radiodermite grave entraînant l’amputation de son bras et
ensuite sa mort en 1904. À la fin des années 1890, la littérature scientifique rapporta plusieurs
cas de brûlures de la peau et de perte de pilosité (épilation) témoignant des attitudes
désinvoltes et de l’intensité des doses avec lesquelles les expériences avaient été conduites.
L’une des actions les plus absurdes fut menée par le physicien américain renommé Elihu
Thomson, qui exposa volontairement le petit doigt de sa main gauche au faisceau direct d’un
tube à rayons X pendant plusieurs jours. Les inévitables dommages graves occasionnés à son
doigt l’amenèrent à se montrer prudent face aux surexpositions « … ou il pourrait y avoir des
regrets lorsqu’il est trop tard » (Thomson, 1896). Ironiquement, le nombre croissant de cas de
lésions causées par le rayonnement fit que certains médecins reconnurent la possible valeur
thérapeutique des rayons, et le premier « traitement » eut lieu en 1896 (Stone, 1946),
lorsqu’une femme souffrant d’un carcinome avancé au sein gauche fut traitée à Chicago. C’est
vers cette époque qu’il y eut certaines pressions dans les médias. John Dennis, un journaliste
new yorkais, qui pourrait sans doute être considéré comme le premier « dénonciateur » du
rayonnement, mena une campagne en faveur du contrôle des radiologues par le biais de la
délivrance d’un permis d’État, et proposa que l’on considère comme un acte criminel le fait de
provoquer une lésion à un patient (Dennis, 1899). Plusieurs décennies s’écoulèrent avant que
des mesures ne soient prises.
Malgré les rapports et les signaux relatifs aux effets nocifs, et même à l’utilisation des
rayons X à des fins thérapeutiques, le monde médical manifesta un excès de confiance
concernant l’utilisation des rayons X. Les théories étaient que les effets n’étaient pas
provoqués par les interactions des rayons X eux-mêmes mais par l’électricité statique ou la
sensibilité individuelle - il y eut même un déni total de l’existence des effets des rayons X
(Scott, 1897).
Un dentiste de Boston, William Rollins, fut peut-être la première et la principale personne à
jouer un rôle pionnier en matière de radioprotection. Rollins, qui était diplômé de Harvard en
dentisterie et en médecine, fut le premier à proposer une dose de tolérance ou d’exposition aux
rayons X et aussi le premier à recommander de protéger et de colmater les tubes à rayons X.
Son critère ou sa norme consistait à exposer une plaque photographique à l’extérieur du tube ;
si la plaque n’était pas voilée au bout de 7 minutes, la protection était adéquate. Entre 1900-
1904, il publia plus de 200 rapports où il encourageait vivement les médecins à recourir à
l’exposition la plus faible possible, et il proposa des méthodes permettant de réduire
l’exposition tant du radiologue que du patient (Rollins, 1904). Ce dernier point ne fut
réexaminé que récemment par le National Radiological Board du Royaume-Uni (NRPB, qui
conseille le gouvernement). Rollins reconnut également le potentiel de cette technique pour
l’induction de la cataracte et il mena à bien certaines expériences sur les animaux qui
révélèrent, entre autres, le risque de lésions graves (tératologiques) du foetus. Il fut le premier
à lancer des mises en garde contre les risques que les rayons X comportaient pour les femmes
enceintes (pelvimétrie). Cependant, ses mises en gardent furent souvent ignorées - ses
avertissements sur la pelvimétrie ne furent repris que quarante ans plus tard par Alice Stewart,
une épidémiologiste britannique, et encore, en ne faisant référence qu’aux effets à long terme
(Stewart et al., 1958). Il convient de noter que son travail fut également d’abord rejeté par les
autorités médicales (voir ci-dessous).
On pourrait raisonnablement penser que, une fois que l’on eut découvert qu’une exposition
excessive aux rayons X produisait des lésions des tissus, on ferait attention. Mais ce ne fut pas
le cas - même en 1903, Albers-Schonberg (1903), qui produisit une série de règles à
l’attention des radiologues afin qu’ils se protègent, suggéra que la technique régulièrement
utilisée visant à tester la « dureté » du tube de rayons X en plaçant la main entre le tube et
l’écran fluorescent était dangereuse. Il faut ajouter qu’à cette époque, l’absence d’une norme
agréée d’exposition au rayonnement ou d’une dose constituait un problème pour ceux qui
voulaient établir des critères efficaces de protection - il fallut attendre jusqu’à l’adoption du
röntgen comme unité d’exposition en 1928. Cependant, malgré l’absence d’unité, la Société
radiologique allemande publia la première série de règles en matière de radioprotection en
1913 (Taylor, 1979). Un peu plus tard, toujours en 1913, Coolidge inventa le tube cathodique
à rayons X incandescent et à tungstène qui contribua largement à diminuer les doses
auxquelles étaient exposés les patients et les radiologues (par exemple, avec les premiers
tubes fonctionnant à de faibles voltages, les expositions de plus d’une heure étaient courantes).
3.2. La radioactivité et les matériaux radioactifs
Malheureusement, un autre danger devint très vite apparent après le travail de Röntgen :
quelques semaines plus tard, Henri Becquerel découvrit la radioactivité et, en 1898, Pierre et
Marie Curie découvrirent le radium. La portée du danger de la radioactivité ne fut pas plus
reconnue que celle des rayons X et Becquerel et Pierre Curie souffrirent d’érythèmes de la
peau parce qu’ils avaient gardé des échantillons de matériaux radioactifs dans leurs poches.
Bien qu’il fût rapidement établi que le radium pouvait être utilisé à des fins thérapeutiques, par
exemple pour tuer les cellules malignes, la population se passionna pour le radium (et
l’émanation de radium, le radon) qui devint une panacée.
Le principe de précaution fut encore plus lent dans ce domaine et ce n’est qu’en 1920 que l’on
se rendit compte que des contrôles étaient nécessaires. Cela commença en partie au moins
avec l’utilisation du radium dans la peinture lumineuse qui fut largement utilisée durant la
première guerre mondiale. La peinture au radium était appliquée à la brosse, et les peintres,
qui étaient majoritairement des jeunes femmes (dans le New Jersey et ailleurs), découvrirent
qu’elles pouvaient travailler plus vite et gagner plus en trempant la brosse avec leurs lèvres -
ingérant de cette manière des quantités considérables de radium. On accordait très peu
d’attention à l’hygiène industrielle et les travailleurs furent irradiés de l’intérieur par le radium
qu’ils avaient ingéré, et de l’extérieur par l’accumulation de la peinture qui contaminait leurs
lieux de travail ; ils furent également contaminés par l’inhalation de radon. Le danger de ce
travail ne fut pas reconnu tout de suite mais, en 1924, un dentiste new yorkais, Theodore
Blum, publia un rapport qui identifiait une nouvelle maladie qu’il appela « la mâchoire
radium » (parfois connue sous le nom de « nécrose phosphorée du maxillaire ») qu’il avait
détectée chez ses patients qui étaient des ex-peintres de cadrans. Il attribua cette pathologie à
la toxicité du phosphore. Cependant, un pathologiste du New Jersey, Harrison Martland,
reconnut les lésions osseuses provoquées par le radium et, en 1925, il entama une étude qui
révéla la triste histoire (Martland et Humphries, 1929). Le premier sarcome osseux fut détecté
en 1923 dans ce groupe de femmes et il y eut 55 cas de cancers de ce type parmi une
population de près de 3 000 femmes (Rowland et al., 1983) - en tout environ un tiers sont
mortes de tumeurs malignes (y compris de leucémie et du cancer du sein). Les données
découlant des expériences de ces femmes permirent finalement d’établir des normes pour
l’absorption de matériaux radioactifs pour de nombreuses années - c’est ce que l’on appela la
norme radium. Cette norme fut établie en fonction de la quantité de radium dans le corps qui
ne produisait apparemment pas d’effet. On supposa alors un seuil pour les effets mais ce
dernier fut établi conformément à l’attitude générale observée jusqu’en 1930 qui consistait à
adopter une dose de tolérance. La norme de radium fut établie à un niveau de radioactivité de
0,1 microcurie (3,7 kilobecquerels) de radium qui pouvait diffuser une dose de rayonnement
de 150 millisieverts dans les os.
Signaux précoces et leçons tardives :
le principe de précaution 1896 - 2000
Institut français de l’environnement 52
Assez bizarrement, dans les années vingt, le radium fut considéré comme une source de santé
et de soulagement. On vendit de nombreuses potions contenant du radium, la plus connue
étant le Radiothor. Quatre cent mille flacons de cette potion louée pour ses vertus curatives
pour une multitude de maux allant des ulcères à l’estomac à l’impuissance furent vendus
entre 1925 et 1930. Les aspects les plus dangereux de cette potion furent mis en lumière
lorsqu’un joueur de golf américain très célèbre, l’industriel et millionnaire Eben Byers, décéda
des suites d’une maladie provoquée par le rayonnement après avoir consommé à peu près
1 000 flacons de ce produit sur une longue période (Macklis, 1993). Ce cas contribua
largement à encourager une approche plus restrictive de l’utilisation du radium, de même que
la mort de Marie Curie en 1934 des suites d’une (probable) anémie aplastique (qui fut à
l’époque attribuée aux effets du radium). Néanmoins, une telle utilisation du radium et du
radon a perduré jusqu’à aujourd’hui sous forme, par exemple, de l’« emantoria », où le radon
est aspiré pour ses effets (présumés) bénéfiques, par exemple à Salzbourg.
3.3. Les premières initiatives vers un contrôle de l’exposition
Dans les années vingt, le concept de la dose de rayonnement n’était pas défini mais un certain
nombre de rapports visaient à réduire l’exposition. Ces derniers mentionnaient souvent un
niveau qui pouvait être « toléré ». L’un d’entre eux était une fraction d’une dose d’érythème de
la peau qui fut proposée par un physicien américain, Arthur Mutscheller (Mutscheller, 1925).
Sa proposition était d’un centième de dose d’érythème de la peau par mois. Ce serait plus ou
moins équivalent à une dose annuelle limite d’environ 700 millisieverts (la dose limite
actuelle pour les travailleurs est de 20 millisieverts par an). Il est à noter que pendant cette
période, l’accent fut mis sur les limites motivées par un désir de contrôler les effets immédiats
du rayonnement. On ne semblait pas se rendre compte qu’un cancer serait latent et ne se
développerait qu’au bout d’une longue période.
Des pressions d’une partie de la communauté scientifique se firent clairement sentir afin que
soit mis en place un contrôle de l’utilisation du rayonnement et, grâce à la création de
l’International X-ray and Radium Protection Committee (IXRPC), lors du deuxième congrès
international de radiologie en 1928, l’établissement de normes devint plus rationnel. Les
commentaires sur les mauvaises utilisations du rayonnement faisaient cependant souvent
défaut. Pour quelque raison obscure, les premières mesures du IXRPC mirent l’accent sur les
activités de loisir des radiologues (Desjardins, 1923). Par exemple, « la pratique d’un hobby à
l’extérieur est particulièrement importante pour toutes les personnes exposées au
rayonnement ». L’IXRPC devint finalement la Commission internationale de protection
contre les radiations (CIPR) mais, une fois de plus, il fallut attendre un certain temps avant
que cette Commission ne commence à recommander des doses limites sans référence à un
seuil limite. Tout ceci intervint alors que plus de 200 radiologues étaient déjà morts de ce que
l’on pensait être des maladies malignes induites par le rayonnement (Colwell et Russ, 1934),
et plus particulièrement le tout premier radiologue britannique Ironside Bruce en mars 1921.
Ce décès engendra la publication de plusieurs articles de presse où était expliquée l’utilité de
protéger les tubes à rayons X, qui amenèrent la Société Röntgen (« Editorial », 1921) à
affirmer que « la compétence scientifique de la presse est bien moindre que son aptitude à
publier de l’information à sensation ».
3.4. La rupture d’après-guerre : justification, optimisation, limitation
Des changements essentiels se produisirent dans la philosophie de la radioprotection lors
d’une réunion qui se tint au Canada en 1949 (NBS, 1954) et où les participants aboutirent à la
conclusion qu’« il peut y avoir un certain degré de risque quel que soit le niveau
d’exposition » et que « le risque pour les individus n’est pas quantifiable avec précision, mais
aussi faible qu’il soit, on estime qu’il n’est pas de zéro ». L’autre enseignement tiré de cette
réunion, qui revêt une grande importance, fut que « l’exposition au rayonnement, quelle qu’en
soit la source, doit être la plus réduite possible ». Ce principe est actuellement appelé principe
d’optimisation. Le principe du risque par rapport à l’avantage (justification), qui est
probablement unique pour le rayonnement en tant qu’agent polluant, fut également introduit.
La CIPR fut créée dans le but de ne faire que de simples « recommandations », qui pouvaient
être acceptées ou rejetées par les gouvernements nationaux, mais son rôle fut critiqué dès le
début. Par exemple, elle ne prenait pas position sur les essais des armes nucléaires dans
l’atmosphère qui provoquèrent des retombées dans le monde entier. En outre, c’est davantage
grâce au travail de particuliers, plutôt que de la CIPR, que l’on prit des précautions contre une
mauvaise utilisation du rayonnement. Les exemples de mauvaise utilisation du rayonnement
sont nombreux, et, parmi ces derniers, on distingue :
· l’utilisation répandue de « pedascopes » pour ajuster les chaussures des enfants.
Ces systèmes fluorescents de rayons X existaient dans tous les magasins de
chaussures dans les années quarante et cinquante et pouvaient produire des doses
de 1 röntgen par minute. Ces systèmes ne servaient qu’à amuser les enfants
pendant que leurs parents choisissaient des chaussures et les doses de rayonnement
que recevaient les enfants et le personnel de magasin étaient dès lors totalement
superflues ;
· les enfants qui avaient la teigne étaient traités aux rayons X afin de produire
l’épilation mais beaucoup ont ensuite développé un cancer (voir, par exemple, Ron
et al., 1989) ;
· les patients souffrant de maladies psychiques étaient « traités » au radium dans les
années trente ;
· les rayons X étaient utilisés pour l’épilation dans les instituts de beauté dans les
années trente et quarante.
Ces mauvaises utilisations du rayonnement échappaient à tout contrôle étant donné qu’il n’y
avait, à l’époque, pas de normes juridiques spécifiques relatives à la sécurité contre le
rayonnement, mais de simples recommandations. Au Royaume-Uni, les premières normes
juridiques furent inscrites dans les Ionising Radiations Regulations (règlements sur les
radiations ionisantes) en 1961 ; plus tard, le rayonnement médical fut envisagé séparément
(POPUMET, 1988).
Après la deuxième guerre mondiale, on assista à une ruée vers l’implantation de centrales
nucléaires et la fabrication d’armes nucléaires. La communauté visant la protection contre le
rayonnement dut faire face au problème de l’établissement de doses limites qui ne freinent pas
l’expansion de ces industries - la politique entra en scène. Tout d’abord, la population fut
bernée par la promesse d’une énergie nucléaire inépuisable et bon marché mais les
démonstrations d’armes nucléaires engendrèrent une réaction différente. Peu à peu, les gens
eurent de moins en moins confiance et devinrent de plus en plus sceptiques à l’égard des
motifs des gouvernements, surtout lorsqu’ils tentaient de les rassurer, de la manière la plus
mielleuse qui soit, concernant les effets de la radioactivité sur l’environnement.
Cette
appréhension fut alimentée par le « mouvement vert » et fut dans une certaine mesure justifiée
il est juste surprenant qu’elle soit apparue si tard. C’était peut-être parce que les premières
utilisations du rayonnement relevaient de la médecine et que la population faisait confiance
aux médecins. Cependant, les motivations de l’industrie nucléaire ne furent pas considérées
comme étant pour le bien des individus. Même la confiance dans la radiologie médicale fut
secouée en 1950 lorsqu’une épidémiologiste renommée de la santé publique, Alice Stewart,
réalisa des études qui établirent le lien entre la radiologie durant la grossesse (pelvimétrie) et
la leucémie chez l’enfant (Stewart et al., 1958). Cette découverte fut tout d’abord controversée
et mise en doute mais, comme d’autres spécialistes confirmèrent cette théorie ultérieurement,
il est maintenant bien établi qu’un risque significatif de leucémie existe si l’embryon ou le
foetus reçoit un rayonnement, si faible soit-il. Actuellement, on recommande (RCR, 1993) aux
obstétriciens de ne pas envisager l’utilisation de rayons X si d’autres outils de diagnostic sont
disponibles. Selon les estimations (Doll, 1989), 5 % de tous les cancers développés dans
l’enfance sont dus à la pelvimétrie. Cela se traduit chaque année par 75 cas au Royaume-Uni
et quelque 300 aux États-Unis. On pourrait affirmer que ces leucémies auraient pu être évitées
si le travail de Stewart et al. avait été suivi plus rapidement de mesures.
Actuellement, un
scénario similaire pourrait être en train de se développer pour ce qui est des risques de
leucémies chez les enfants habitant à proximité de lignes à haute tension aux États-Unis.
Les estimations actuelles du risque lié au rayonnement sont probablement plus quantifiées et
plus fondées que les risques liés à tout autre type de polluant environnemental.
Ces
estimations posent cependant des problèmes parce qu’elles sont basées presque exclusivement
sur des indices de santé établis à partir des survivants des bombes atomiques larguées au
Japon en 1945, c’est-à-dire des personnes qui ont été exposées à de fortes doses. L’hypothèse
prudente d’une relation dose-effet linéaire est retenue et on peut dès lors estimer qu’il y a un
risque pour toutes les doses. Les expositions au rayonnement sont donc associées à une
certaine acceptation du risque. C’est pour cette raison que la CIPR a basé sa philosophie
(CIPR, 1977) sur trois principes :
· la justification - toutes les utilisations du rayonnement doivent être justifiées de
telle sorte que le dommage soit compensé par un avantage net ;
· l’optimisation - les expositions doivent être les plus faibles possible et les facteurs
sociaux et économiques doivent être pris en considération ;
· la limitation - toutes les expositions doivent se situer au-dessous de la dose limite.
Il est intéressant d’examiner les deux premiers principes afin de voir les progrès qui ont été
réalisés pendant les cent ans d’utilisation du rayonnement, en prenant comme exemple la
radiologie médicale.
L’exposition au rayonnement médical vise à apporter un certain avantage au patient. Bien que
ce principe soit généralement vérifié, on enregistre un nombre croissant de cas où son
utilisation est douteuse, par exemple l’utilisation de rayons X dans les monitorings de santé
lors de la sélection de personnel, ou de certaines procédures de dépistage. Le NRPB (NRPB,
1990) a estimé qu’environ 20 % des rayons X effectués au Royaume-Uni sont inutiles d’un
point de vue clinique. Dès lors, les principes guides remis aux radiologues stipulent qu’ « il
devrait exister une indication clinique valable pour les examens de patients où on a recours à
un rayonnement ionisant ». Il s’agit de la « justification », qui constitue un grand pas en avant
par rapport à la radiologie d’il y a quarante ans, surtout parce qu’elle se réfère au patient et pas
seulement au radiologue. Outre ce critère, la dose reçue par le patient devrait être optimisée
et, ici, les progrès ne sont pas très importants. Le NRPB a estimé (NRPB, 1990) que la dose
collective annuelle totale imputable aux examens médicaux au Royaume-Uni était d’environ
16 000 homme-sieverts. Il propose également un certain nombre de méthodes visant la
réduction de la dose d’exposition du patient qui devraient permettre une baisse de cette dose
collective d’à peu près 7 500 homme-sieverts, c’est-à-dire une réduction de pratiquement
50 %. On a de même montré, plus récemment, que la variation dans les doses reçues dans les
différents hôpitaux pour le même examen peut être supérieure d’un ordre de grandeur (Wall
and Hart, 1997). Ainsi, bien que la dose de rayonnement individuel soit aujourd’hui de deux
ordres de grandeur moins élevée qu’il y a soixante ans, le problème de l’optimisation de la
dose persiste.
3.5. Conclusions
Dans l’ensemble, on peut conclure que les normes de radioprotection se sont lentement
développées à mesure que la perception des effets du rayonnement s’est développée. Certaines
personnes, peut-être en avance sur leur temps, ont cependant prévenu de ce danger imminent.
Il y a donc toujours eu des périodes où les changements de limites arrivaient bien après la
preuve manifeste des dommages provoqués à la santé humaine. Actuellement, de grands
lobbies prônent tant la réintroduction du concept des seuils que la prise en considération des
hormèses (faibles doses qui sont supposées être quelque peu favorables) - ces dernières ont
rencontré l’objection de la CIPR.
La radioprotection est maintenant fermement établie dans la législation de l’Union européenne
(par des directives) et, d’un point de vue international, dans les normes fondamentales de
radioprotection de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Ces dernières
reprennent comme base les recommandations de la CIPR. Au Royaume-Uni, les règlements
sur les radiations ionisantes de 1999 forment la législation la plus récente qui couvre les
travailleurs et les citoyens. Ces dispositions visent à mettre en application la directive UE
96/29 (fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des
travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants). Cette directive sera
(finalement) appliquée dans toute l’Europe, et une réglementation similaire à celle de l’AIEA
devrait être appliquée dans d’autres pays. Il existe également, actuellement, des normes qui
couvrent l’utilisation du rayonnement en médecine et les doses limites pour les patients. Il est
néanmoins difficile de veiller à ce que la législation sur la radioprotection soit appliquée de
manière uniforme et on trouve encore des exemples d’attitudes négligentes ou irresponsables à
l’égard des sources de rayonnement et de déchets qui ont engendré des lésions horribles et la
mort, comme dans le cas de l’accident au césium 137 à Goiania (Rosenthal et al., 1991).
Historiquement, des doses limites moins strictes ont également engendré des demandes
d’indemnisation de la part de travailleurs qui estimaient que leur cancer avait été causé par
une exposition au rayonnement. Dans ce contexte, la question de la responsabilité en matière
de lésions dues au rayonnement devrait servir de leçon pour d’autres agents dangereux « qui
ont une longue période de latence ». Au Royaume-Uni, la responsabilité de l’industrie
nucléaire était à l’origine financée par l’État (Nuclear Installations Act, 1965) mais le
programme de compensation des travailleurs victimes du rayonnement, qui est géré
conjointement par les syndicats et l’industrie nucléaire, offre une bonne alternative aux litiges.
Pour conclure, nous pourrions dire que, bien que nous ayons appris beaucoup sur les risques
liés à l’exposition au rayonnement au cours des cent dernières années (probablement
davantage que sur tout autre polluant environnemental), nous devons encore constamment
être attentifs aux nouvelles connaissances. Par exemple, le taux de risque de cancer induit par
le rayonnement était perçu (par la CIPR) comme quatre ou cinq fois plus élevé en 1990 qu’en
1977. Cette situation a provoqué des changements dans les doses limites mais a constitué une
réponse tardive à des preuves irréfutables, une situation qui a été récurrente dans l’histoire de
la radioprotection où on a parfois manqué de précaution malgré les signaux apparus
clairement de la découverte du rayonnement à nos jours. On peut donc en conclure que, en
vertu du principe de précaution, il convient de financer et de conserver pour le futur les bases
de données épidémiologiques portant sur les effets à long terme, même si on n’en perçoit pas
le besoin immédiat.
Ouvrage publié par l’Ifen
Institut français de l’environnement
61, boulevard Alexandre Martin
45058 ORLÉANS cedex 1
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Une histoire qui se répète ?
Les ondes électromagnétiques et la santé, quand on ne parlait pas encore du principe de précaution
A) Nº2267 | SEMAINE DU JEUDI 17 Avril 2008
À la Une < Le Nouvel Observateur < Danger sur les ondes
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Portables, antennes, wi-fi | Danger sur les ondes
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Elles se répandent partout. Elles pénètrent nos cerveaux. Et maintenant,
c’est prouvé : leur utilisation prolongée peut nuire gravement à la santé.
Le point sur la question
Ordinateurs, télévisions, hi-fi, lampes halogènes, fours à microondes...
Sans le savoir, l’homme évolue dans un enchevêtrement d’ondes
électromagnétiques créées par des millions de systèmes de communication.
Avec le développement fulgurant des technologies sans fil, du téléphone
portable au wi-fi, la portée de ces ondes s’est démultipliée. Aujourd’hui,
on compte plus de deux milliards d’utilisateurs de cellulaires dans le
monde, dont 40 millions en France, et rien ne semble arrêter le
développement du wi-fi : l’an dernier, 31000 bornes ont été autorisées.
Résultat ? Nous baignons dans un brouillard électromagnétique toujours plus
dense. Cet electrosmog, comme l’appellent les Anglo-Saxons, serait un
milliard de fois plus puissant que les champs électromagnétiques naturels.
Quel est l’impact de cette pollution électromagnétique sur la santé ?
Faut-il avoir peur des téléphones portables ? Voire interdire le wi-fi dans
les espaces publics ?
Les ondes sont-elles dangereuses ?
La plupart des ondes électromagnétiques sont très faibles et ne pénètrent
pas l’organisme. Ce n’est pas le cas des ondes à hyperfréquences appelées
aussi micro-ondes. Lorsqu’elles traversent un organisme biologique, ces
ondes interagissent avec ses molécules d’eau. Ces dernières vont s’agiter,
se retourner et frotter les unes contre les autres. C’est ce frottement des
molécules entre elles qui produit de la chaleur. Dans le cas du four à
micro-ondes, cela sert à cuire les aliments. Or le téléphone portable
utilise le même mécanisme pour transporter des données, mais à des doses
beaucoup plus faibles : seulement 2 watts contre 800 watts dans un four ! Le
hic, c’est que les ondes électromagnétiques émises par la téléphonie mobile
sont directement absorbées par le cerveau. Il existe un risque que certaines
cellules cérébrales soient affectées par l’utilisation prolongée d’un
cellulaire contre son oreille. Toute la complexité du problème est de savoir
si ces perturbations sont régulables par l’organisme ou pas.
Que sait-on sur les téléphones portables ?
Au cours des trente dernières années, environ 25 000 articles scientifiques
ont été publiés sur les effets biologiques des rayonnements non ionisants,
sans qu’on ait pu établir la preuve formelle de leur nocivité. Pourquoi ?
Parce qu’on manque de recul : les téléphones portables ne datent que d’une
dizaine d’années, le wi-fi est encore plus récent. Tous les regards
convergent donc vers Interphone, l’unique programme de portée internationale
qui suit depuis dix ans une cohorte d’usagers de téléphones portables
souffrant de tumeurs du nerf acoustique, des glandes salivaires et du
cerveau. Pour l’instant, sept des treize pays participants, dont la France,
ont déjà publié leurs résultats. Ils sont alarmants. Tous concluent à un
risque accru de développer un gliome, la forme la plus maligne des tumeurs
du cerveau, après une utilisation du cellulaire d’au moins dix ans. Mais
attention, temporise la chercheuse Martine Hours, qui coordonne l’étude pour
la France au Centre de Recherche et d’Information sur le Cancer (Cire) à
Lyon : « Tant que tous les pays n’ont pas encore publié leurs résultats, il
est trop tôt pour conclure à un risque significatif. » Ces conclusions
rejoignent pourtant plusieurs analyses, dont celle des chercheurs suédois
Lennart Hardell et Kjell Hansson, qui montre qu’au-delà de dix ans
d’utilisation du cellulaire, le risque de développer un gliome est multiplié
par deux et demi ! Une synthèse de 1500 études internationales, le
Biolnitiative Working Report, dresse un tableau encore plus effrayant. Elle
observe des altérations de I’ADN, une baisse de la production de mélatonine
qui régule le stress, une perturbation du système immunitaire, le
développement de tumeurs du cerveau, de cancers infantiles, de cancers du
sein ou de la maladie d’Alzheimer, etc. S’il y a un risque pour les adultes,
il est a fortiori encore plus grand pour les enfants et adolescents.
Pourquoi ? Parce que leur boîte crânienne est plus fine, leur système
immunitaire plus faible, leur cerveau en pleine croissance. Et qu’ils sont
exposés plus longtemps que les adultes à cette technologie.
Quid du wi-fi ?
Comme la dernière génération de téléphones portables, le wi-fi utilise la
même fréquence que celle des micro-ondes (2 400 MHz), mais émet sur des
distances beaucoup plus courtes et à moindre puissance. Exemple : en restant
un an à côté d’une borne wi-fi, on reçoit la même dose électromagnétique
qu’en téléphonant d’un mobile pendant 20 minutes ! Officiellement, le wi-fi
ne présente donc aucun risque pour la santé et peu d’études lui sont
consacrées. Reste que, à la différence des téléphones portables,
l’exposition est continue, ce qui pousse l’Agence européenne pour
l’Environnement à réclamer davantage de mesures pour réguler son
installation. Au nom du principe de précaution, l’Autriche et l’Allemagne
ont recommandé l’an dernier d’éviter le wi-fi dans les écoles. En France,
après plusieurs plaintes d’employés, la direction de la Bibliothèque
nationale de France (BnF) vient de couper l’accès à l’internet sans fil pour
installer des réseaux filaires.
Et des antennes ?
Le flou demeure. Pour l’Agence française de Sécurité sanitaire de
l’Environnement et du Travail (Afsset), il n’existe aucune preuve
scientifique de leur nocivité car elles rayonneraient de 50 à 60 fois moins
que les antennes radio ou de télévision. Pourtant, plusieurs études, dont
celle de la ville de La Nora, en Espagne, évoquent un lien significatif
entre antennes-relais et certains symptômes, parmi lesquels fatigue,
perturbations du sommeil, éruptions cutanées, difficultés de concentration,
problèmes cardiovasculaires ou troubles visuels. Récemment, une étude du Dr
Gerd Oberfeld, du département de la santé publique à Salzbourg, a conclu à
une augmentation significative du risque de cancer dans un rayon de 200
mètres autour des antennes-relais. En France, l’implantation d’une
antenne-relais près des habitations n’est soumise à aucune réglementation.
Le gouvernement se contente de suivre la Commission européenne qui
recommande des seuils de puissance à 41, 58 et 61 volts par mètre selon les
fréquences. Des limites bien au-dessus de celles appliquées par la Pologne
(6 V/m) , la Suisse (4 V/m) ou le Luxembourg (3 V/m).
Les 8 règles du sans-fil :
1. Utiliser des oreillettes filaires systématiquement.
2. Limiter les conversations à 6 minutes.
3. Eviter de téléphoner dans les déplacements : en voiture, dans le métro,
le train et dans l’ascenseur, et lorsque la réception est mauvaise (entre
son niveau minimal et maximal, la puissance du téléphone mobile peut être
multipliée par 100).
4. Déconseiller le téléphone portable aux enfants et adolescents.
5. Ne pas poser de téléphone portable sur le ventre d’une femme enceinte.
6. Ne pas porter le téléphone à la ceinture ou dans les poches.
7. Eteindre sa borne wi-fi pendant la nuit.
8. Ne pas poser son ordinateur portable wi-fi sur les genoux ou trop près du
corps.
Marie Vaton
Le Nouvel Observateur
Et donc à peine 15 mois plus tôt :
B) Nº2202 | SEMAINE DU JEUDI 18 Janvier 2007
À la Une < Le Nouvel Observateur < Faut-il avoir peur du portable ?
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Mauvaises ondes | Faut-il avoir peur du portable ?
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Fantasme ou réalité ? Les mobiles et leurs champs électromagnétiques
inquiètent. Ils menaceraient le cerveau et provoqueraient des cancers. Les
scientifiques, eux, n’ont rien trouvé
« Resteriez-vous les bras croisés si vous saviez que la santé de vos
enfants, [...] de tous ceux que vous côtoyez chaque jour, est gravement
menacée ? » Cette phrase figure au dos de l’ouvrage de Richard Forget, « le
Dossier noir du portable » (Pharos-Jacques-Marie Laffont). L’auteur, avocat,
y défend les thèses de son client, Etienne Cendrier, pourfendeur de la
téléphonie mobile et de ses dangers. Ce dernier a fondé avec son père
l’association Robin des Toits. Pour lui, aucun doute : le téléphone mobile
et les antennes relais cachent un danger mortel. Il suffit de l’écouter
quelques minutes pour comprendre que cet artiste peintre a trouvé là le
combat de sa vie. « J’ai commencé à m’intéresser à la question en 2000, quand
on a installé des antennes face à l’école de mes enfants. » Il s’informe
alors sur internet et se forge une opinion.
Les scientifiques français qui s’expriment sur le sujet et qui disent qu’ils
ne constatent rien d’inquiétant ? Pas crédibles : tous ont signé, selon lui,
des contrats de recherche avec les opérateurs de téléphonie mobile.
Exemple : Bernard Veyret, directeur de recherche au CNRS, président de
l’International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection, organisme
chargé d’élaborer les normes mondiales en matière de téléphonie, est membre
du conseil scientifique de Bouygues. Autre suspect ? L’Agence française de
Sécurité sanitaire de l’Environnement et du Travail (Afsset). Elle a elle
aussi engagé pour ses travaux sur le téléphone mobile le même Veyret.
Cendrier parano ? Pas tout à fait. L’administration française vient de
publier deux rapports dénonçant les liaisons dangereuses entre les
chercheurs et les opérateurs téléphoniques.
Faut-il hurler au loup pour autant ? Ce type de partenariat est classique.
Etienne Cendrier ne veut pas le savoir. Pour lui, il existe un complot
international. Quand l’OMS affirme par exemple que les antennes relais n’ont
jamais causé le moindre problème de santé publique. Toutes les études le
confirment - et elles sont nombreuses, au moins 25 000 ont été recensées.
L’OMS complice d’Orange ou de SFR ? « A l’OMS comme ailleurs, accuse
Cendrier, ils ne prennent en compte que les rapports aseptisés. On tourne le
dos à des résultats scientifiques clairs et nets. » Et pour prouver ses
affirmations, il brandit des documents émanant de multinationales de
l’assurance, comme Axa et Swiss Re. Depuis 1997, elles refusent de couvrir
les opérateurs sur les risques liés à l’usage du portable. De quoi ont donc
peur les géants de l’assurance ? Il n’y a pas que Robin des Toits pour tirer
le signal l’alarme. Des associations écologiques comme Priartém, Agir pour
l’Environnement ou le tout récent Criirem de Michèle Rivasi, qui a fait ses
premières armes au Criirad puis à Greenpeace France, se lancent elles aussi
dans la bataille. Plus quelques Verts.
La grande peur, en France, concerne les antennes. C’est d’elles que
viendrait tout le mal. Massivement, les Français ont adopté le mobile : 46
millions d’abonnés en 2006. Sans se préoccuper des relais techniques et de
leurs ondes « maléfiques ». Il n’y a pas si longtemps encore, les opérateurs
agissaient en catimini. Des hommes vêtus de sombre travaillaient la nuit,
et, au petit matin, on s’apercevait qu’une nouvelle antenne avait poussé sur
l’immeuble d’en face. Une telle attitude était forcément suspecte. Pourquoi
donc se cacher ? Le champ électromagnétique émis est-il vraiment inoffensif
? A Paris, des normes pour l’implantation des antennes ont été imposées sous
la pression des élus (voir encadré p. 80). Les opérateurs ont signé, avec la
mairie, une charte de bonne conduite. Fait étrange, les mêmes refusent de
s’engager de la même façon à Toulouse, Bordeaux ou Marseille, autant de
grandes villes qui voudraient imiter la capitale.
Mais charte ou pas, la peur persiste. A cause des cancers d’enfants, dont
parle le livre de l’avocat de Robin des Toits, constatés à
Saint-Cyr-l’Ecole, dans les Yvelines, où le taux de leucémies était
anormalement élevé. L’Institut national de Veille sanitaire est venu
enquêter sur place. Résultat : les enfants n’ont été victimes d’aucune
« pollution particulière due à des champs électromagnétiques ». Les leucémies
constatées seraient dues à des anomalies génétiques des parents, ou à des
accidents surgis lors de l’embryogenèse. L’excès de leucémies de Saint-Cyr
n’était donc rien d’autre, conclut l’INVS, qu’un triste hasard statistique.
Des phénomènes similaires ont été étudiés à Hawaï, en Angleterre, en
Australie. Chaque fois, les antennes ont été mises hors de cause. Mais ces
études, menées par des gens indépendants, n’ont pas désarmé les militants
antiantennes. Des doutes subsistent.
Le Centre international de Recherches sur le Cancer (Circ), qui dépend de
l’OMS, a lancé, il y a trois ans, une vaste enquête épidémiologique
internationale baptisée « Interphone », menée dans 13 pays. Aujourd’hui, on
commence à avoir quelques résultats partiels, encore insuffisants pour tenir
statistiquement la route. Il faudra rassembler l’intégralité des données
pour y voir vraiment clair. Pour l’instant, on ne connaît que les effets du
mobile au Japon, et dans cinq pays nordiques. Ils sont nuls. En Suède, on a
constaté un risque infinitésimal pour ceux qui utiliseraient leur téléphone
depuis plus de dix ans (1,5 alors que le risque de cancer dû à l’amiante est
de 40). Mais là encore, c’est le récepteur téléphonique, et pas l’antenne
qui est en cause. Martine Hours, médecin épidémiologiste responsable de la
partie française d’Interphone, prévient : « Dix ans de recul,dit-elle, c’est
trop court. Et puis il y a peut-être des tests, des recherches auxquelles
nous n’avons pas pensé. »
Il y a aussi toutes ces études « citoyennes » qui évoquent maux de tête,
insomnies, pertes de concentration ou de mémoire pour les gens habitant à
proximité des antennes. Hypothèse avancée : il y aurait dans la population
des personnes hypersensibles, perturbées par les champs électromagnétiques
émis par la téléphonie. Les anti-antennes s’appuient sur une étude
hollandaise nommée TNO qui avait constaté de tels effets. Passons sur les
détails : l’expérimentation hollandaise comportait des défauts. Elle a été
refaite par une équipe suisse de Zurich, qui a bétonné les protocoles
d’expérience... Et qui, elle, n’a rien trouvé. « Ce qui ne veut pas dire
qu’il n’y ait pas des gens malades autour des antennes, poursuit Martine
Hours. Le stress, ça rend malade, ça abaisse les défenses immunitaires, ça
vous donne des insomnies. Ces gens-là, nous devons les écouter. Mais
affirmer que c’est l’antenne qui se trouve à 100 mètres qui est la
responsable de tous ces maux... » Si c’était le cas, on vivrait vraiment mal
dans les beaux quartiers qui entourent la tour Eiffel, où les six émetteurs
de télévision, qui diffusent des ondes très analogues à celles du téléphone,
et les27 antennes de radio FM crachent sur Paris une puissance équivalente à
celle de 30 000 antennes de téléphonie mobile.
En revanche, le récepteur que nous avons tous à l’oreille ou dans nos poches
est peut-être moins innocent. Peut-être. Parce qu’on l’utilise tout près de
la tête et qu’il rayonne d’autant plus fort que la réception est mauvaise.
Les expériences sont contradictoires, mais il en existe au moins deux - une
seule, suédoise, a fait l’objet d’une publication dans une revue
scientifique - selon lesquelles les rayonnements émis par nos récepteurs,
utilisés trop longtemps, pourraient affaiblir la barrière qui sépare le sang
du cerveau. D’autre part, les batteries des téléphones - mobiles ou sans fil émettent des rayonnements très basses fréquences, dont l’OMS dit qu’ils
sont probablement cancérigènes, même s’ils sont très en dessous des normes
admises pour la protection de la population générale. Alors, mieux vaut
utiliser l’oreillette fournie avec l’appareil, très efficace. Veiller à ne
pas parler trop longtemps... et ne pas donner de portables à des enfants de
moins de 15 ans dont le cerveau est en plein développement. Un simple
principe de précaution.
Gérard Petitjean
Le Nouvel Observateur
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