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Les ondes électromagnétiques et la santé, quand on ne parlait pas encore du principe de précaution.

lundi 5 août 2013, par Gérard Borvon

L’actualité est riche en contestation des ondes électromagnétiques, qu’elles soient issues des lignes à haute tension, des antennes radio, radar ou téléphoniques.

Pourtant il fut un temps où des médecins transformaient leurs patients en antennes afin de les soumettre à ces ondes supposées bénéfiques.


première mise en ligne : octobre 2012.


Difficile d’imaginer, aujourd’hui, un monde sans radio, sans télévision, sans téléphone portable, sans internet, toutes techniques reposant sur l’émission et la réception d’ondes électromagnétiques.

Théorisées par Maxwell et observées pour la première fois par Hertz, en 1889, elles ont été considérées comme l’un de ces fabuleux cadeaux apportés à l’humanité par la fée électricité.

Electricité et médecins.

A chaque étape de son développement, l’électricité a éveillé l’intérêt de médecins, persuadés qu"un tel fluide ne pouvait qu’être bénéfique au traitement de leurs patients.

William Gilbert (1544-1603), qui a inventé le mot "électricité" à partir du mot grec "elektron" qui désignait l’ambre, était lui-même médecin. En effet, l’ambre faisait encore partie de l’arsenal thérapeutique de son temps et, même si son efficacité était déjà contestée, l’idée d’utiliser ce "fluide électrique" obtenu par le frottement le l’ambre mais aussi de corps aussi ordinaires que le verre et le soufre, était tentante.

Des machines électriques ont été construites dont l’une chassait la précédente dans le cabinet du médecin.

En l’année 1885, la revue La Nature décrit l’installation d’un concentré de machines électriques supposées soigner les patients de l’hôpital de la Salpêtrière à Paris.



Le docteur Romain Vigouroux (1831-1895) qui officiait dans ce service pouvait ainsi "traiter", à la chaîne, 200 personnes par séance.

Notons ici que bains électriques et piqures électriques étaient administrés sous forme de courant continu, négatif ou positif suivant l’imagination du praticien.

Bientôt, les courants alternatifs de haute fréquence mis au point par Tesla, et les ondes électromagnétiques émises par les circuits parcourus par ces courants, allaient trouver de nouveaux adeptes.

Tesla et les courants de hautes fréquence.

Dans une communication faite en mai de 1891, Nicolas Tesla décrivait le procédé d’obtention de ces ondes et quelques unes de leurs propriétés.

L’une, en particulier, était spectaculaire. En tenant, à proximité de l’émetteur, un tube contenant un gaz raréfié, on voyait celui-ci s’illuminer alors que ses extrémités n’étaient reliées à aucun conducteur.


Reproduction de l’expérience de Tesla.


Un siècle plus tard, l’expérience est régulièrement répétée avec un tube d’éclairage au néon à proximité des lignes à haute tension, prouvant ainsi l’existence d’un champ électrique notable dans leur voisinage . Ce qui, en général, n’est pas pour plaire aux riverains.

Darsonval et la "Darsonvalisation"

Jacques Arsène d’Arsonval (1851-1940) est médecin et électricien. Concepteur du premier téléphone homologué par le minsitère des PTT en France, il est le fondateur en 1894 de l’Ecole Supérieure d’Electricité et, dans le même temps, membre de l’Académie de Médecine.

Il met au point une méthode thérapeutique au moyen des courants de haute fréquence qui prendra le nom de "Darsonvalisation". Celle-ci est décrite dans l’ouvrage de son collègue H. Bordier,précis d’électrothérapie, dont il écrit la dédicace.

Dans l’un des dispositif, utilisé par le docteur Bordier, le patient est placé au coeur même de ce qui peut être considéré comme un émetteur d’ondes électromagnétiques de haute fréquence.

Pour répondre aux inquiétudes des populations soumises aux ondes électromagnétiques on trouve toujours, aujourd’hui, une "commission d’experts" pour nous affirmer que ces effets sont imaginaires.

D’Arsonval, quant à lui s’emploie à vouloir prouver que, bien au contraire, les effets sont réels et spectaculaires. Il combat en ce sens l’opinion de ses confrères qui, dit-il, s’ils "n’osent plus contester les vertus curatives de l’électricité, en donnent volontiers encore une explication qui en constitue la négation détournée - Dans la plupart des cas, disent-ils, l’électricité guérit par suggestion.

Cette objection spécieuse n’est plus soutenable, ajoute-t-il. "Pour la réfuter, il fallait montrer par des preuves objectives, de nature exclusivement physique et chimique, que le fonctionnement de la machine animale est profondément modifié par certaines formes de l’énergie électrique."

Le docteur Bordier décrit la méthode de d’Arsonval.

Dans l’Autoconduction " les tissus sont placés dans un champ électrique oscillant, créé par un solénoïde qui entoure de toute parts l’individu. Les tissus vivants sont alors le siège de courants induits extrêmement énergiques, grâce à la fréquence de la source électrique ; ils se comportent comme des conducteurs fermés sur eux mêmes, et sont parcourus par des courants d’induction de grande intensité."

La preuve "objective" d’un effet physique ?

" si l’on continue à soumettre, pendant un temps assez long, le sujet à l’auto-induction, on voit la peau se vasculariser et se couvrir de sueur". Par ailleurs " comme l’ont bien établi les expériences de M. d’Arsonval, à l’aide de sa méthode calorimétrique, aussi précise qu’élégante, les courants de haute fréquence augmentent la quantité de chaleur produite par l’homme et les animaux soumis à leur action."

Sur le plan physique, l’observation n’a rien d’étonnant. Les fours à micro-ondes sont l’exemple même des effets possibles de tels courants poussés à leur extrême. Il se dit d’ailleurs que l’ingénieur Percy Spencer, qui a inventé les fours à micro-onde, a eu cette idée alors qu’il travaillait à la construction de magnétrons, éléments des antennes des radars. Etant à proximité d’un radar en activité, il constata qu’une barre chocolatée avait fondu dans sa poche. Plus tard il fera éclater des pop-corns et cuire un oeuf à proximité de la même antenne.

Sans aller jusqu’à cuire son patient, une action thermique de "l’antenne Darsonval" est donc constatable mais pour le reste que peut-on guérir par une telle méthode ?

Tout ! Et particulièrement les maladies "nerveuses" qui sont "à la mode" de l’époque et font le bonheur des Charcot, Freud et autres thérapeutes. Nous n’en donnerons pas ici le détail.

Les modes changent rapidement et bientôt une spectaculaire panacée envahira les cabinets des médecins. Des ondes produites par une simple ampoule à vide et capables de traverser le corps humain : les rayons X !

(voir : Les Rayons X et les rayonnements radioactifs, quand on ne parlait pas encore de principe de précaution..

Pour autant la médecine décrite comme "électrothérapie" fera encore le bonheur de nombreux médecins.


Une installation de Darsonvalisation, La Science et la Vie 1916.


voir aussi :

La maison de la rue Blanche du docteur Félix Allard


Et aujourd’hui ?

La Darsonvalisation a encore ses adeptes :

Voir, par exemple, cette publicité : L’Equilios est un générateur d’ondes électromagnétiques pulsées à haute fréquence de dernière génération.

Cette action électromagnétique fut aussi appelée “darsonvalisation” et utilisée jusqu’au début des années 50. Elle tomba en désuétude avec l’avènement des grands laboratoires pour renaître ensuite avec l’Equilios.

Avec toujours les mêmes propositions miracles des marchands de "pseudo-science".


Que dit la législation ?

INRS :

Imperceptibles, les champs électromagnétiques peuvent avoir des effets sur la santé de l’Homme. Il est donc important de rappeler quelques notions afin d’évaluer le risque lié à l’exposition aux champs électromagnétiques au poste et dans l’environnement de travail. Cette évaluation sert de base pour la mise en place de mesures de prévention permettant de réduire les expositions professionnelles.

Réglementation et risques liés aux champs électromagnétiques :

Voir aussi sur le site de la société française de radioprotection :

Radiosensibilité : variabilité individuelle et tests prédictifs

et son club histoire