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Antilles. La Saga du Chlordécone.
jeudi 26 août 2010
A lire sur le site de l"INRA :
Deux études réalisées par des scientifiques de l’Anses et de l’Inra apportent un éclairage sur l’histoire du chlordécone dans les Antilles françaises. Engagées dans le cadre du Plan d’action chlordécone 2008-2010, elles ont pour objectif de reconstruire de manière aussi systématique que possible les faits et leurs enchaînements, en proposant une analyse et une interprétation d’un point de vue socio-historique. Quelles informations sur cet insecticide étaient disponibles aux différentes périodes ? Quelles décisions ont été prises ? Quel a été l’enchaînement des différents évènements ? Une meilleure compréhension de cette histoire du chlordécone peut aider à éclairer les orientations et les concertations futures en matière de gestion des risques, notamment pour les populations concernées par les problèmes résultant de l’utilisation intensive de cette molécule en Martinique et en Guadeloupe au cours des années 1970 et 1980.
Sur ce site se trouvent déjà de nombreux articles sur le problème du Chlordécone aux Antilles.
Les dernières études publiées sur le site de l’INRA sous le titre "Chlordecone aux Antilles françaises : un éclairage socio-historique" apportent un éclairage intéressant.
Lire "La saga du chlordécone aux Antillles françaises : reconstruction chronologique 1968-2008" de Pierre-Benoit Joly.
Extraits :
page 32 : L’autorisation d’utilisation du Curlone, accordée en 1981, est surprenante. Comment la
Commission des Toxiques a-t-elle pu ignorer les signaux d’alerte mentionnés précédemment :
les données sur les risques avérés publiées dans de nombreux rapports aux Etats-Unis, le
classement du chlordécone dans le groupe des cancérigènes potentiels, les données sur
l’accumulation de cette molécule dans l’environnement aux Antilles françaises ?
Ce point est assez énigmatique car, comme indiqué précédemment, le procès verbal de la
Commission des Toxiques est introuvable. Le témoignage rétrospectif d’un membre de la
Commission des Toxiques confirme l’influence des intérêts économiques dans la
délibération :
« Je participais à la "commission des toxiques en agriculture" en 1981. Quand nous avons voté, le
nombre de voix contre était inférieur au nombre de voix pour le maintien de l’autorisation pour les
bananiers. Il faut dire que nous étions peu de toxicologues et de défenseurs de la santé publique dans la
commission. En nombre insuffisant contre le lobbying agricole. J’ignore aujourd’hui si la balance a
changé. »
Isabelle Plaisant
Page 36 : A partir de la fin des années 1990, il devient obligatoire d’analyser la qualité des eaux
potables. La responsabilité de cette mission est confiée aux services de santé et non aux
services de l’agriculture.21 Cette obligation réglementaire va constituer la base de la mise en
visibilité du problème du chlordécone.
Néanmoins, il n’était pas du tout évident que le chlordécone entre dans la liste des molécules
à recherche, ni que les dispositifs d’analyse nécessaires pour sa détection soient mobilisables.
Le retour du chlordécone, quelques années après la fin de son utilisation, doit beaucoup à la
sagacité des agents en charge du problème dans les DDASS. 22
Comment cibler les recherches de molécules dans les eaux potables, alors que plusieurs
centaines de molécules peuvent être présentes ? Les obligations réglementaires n’imposaient
pas de rechercher spécifiquement telle ou telle molécule dans l’eau destinée à la
consommation, à l’exception de celles qui faisaient l’objet d’une norme spécifique (aldrine,
dieldrine, hexachlorobenzène (de 1989 à 1995), heptachlore et époxyde d’heptachlore pour les
eaux distribuées ; parathion, HCH et dieldrine pour les eaux douces superficielles brutes).
L’application stricte de la méthode recommandée pour déterminer les molécules à
21 La recherche des pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine monte en puissance : le décret
89-3 du 3 janvier 1989 modifié par les décrets 90-330 du 10 avril 1990, 91-257 du 7 mars 1991 et 95-363 du 5
avril 1995 introduisent des valeurs limites pour les pesticides dans les eaux distribuées, et les eaux brutes
superficielles destinées à la production d’eau potable.
22 Sur ces dimensions de la redécouverte du problème du chlordécone, voir Cornilleau (2009 : 33)
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rechercher23 - et utilisée en Guadeloupe par les services de santé - ne conduisait pas à inclure
le chlordécone, qui n’était plus utilisé.
Dans les services de santé, la mémoire du chlordécone refait surface à l’occasion de la
réalisation d’un mémoire ( !) de stage étudiant réalisé en 1996 à la DDASS de Guadeloupe.
Le document mentionne les rapports Snegaroff et Kermarrec, ce qui conduit à soupçonner la
présence de Chlordécone. Lorsque les agents de la DDASS de Guadeloupe décident d’inclure
le chlordécone dans la liste des molécules à analyser dans la campagne de 1998, il s’avère que
l’Institut Pasteur de Lille, où sont réalisées ces analyses, ne disposait pas de la capacité de
rechercher du chlordécone. Par contre, le laboratoire départemental de la Drome, connu par
les nouveaux responsables à la DDASS de Martinique pouvait détecter un spectre beaucoup
plus large de pesticides. Lors de la campagne d’analyses de 1999, les échantillons sont
envoyés à ce laboratoire. La présence du chlordécone est mise en évidence mi-99 en
Martinique et 6 mois plus tard en Guadeloupe.
Notre commentaire :
Si l’article donne des informations nouvelles sur les premiers temps de la prise de conscience, il est très insuffisant sur l’importance du rapport Bonan-Prime dans la prise de conscience du problème. Remis à Dominique Voynet en 2001, il n’a pas eu le temps d’être exploité par ses services et a été totalement négligé par ceux de Roselyne Bachelot. Il n’a eu, non plus aucun écho dans les médias.
Par contre, diffusé de façon militante, il a contribué à l’information et à la radicalisation des associations.
Lire aussi : L’autorisation du chlordécone en France 1968-1981, Matthieu Fintz, Anses.
Pour résumer : on savait tout mais on préférait l’ignorer