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PLOGOFF, un combat pour demain. Chronique d’une victoire contre le nucléaire. Le livre.
samedi 22 décembre 2012
Plogoff, un combat pour demain. C’est un livre.
C’est d’abord la chronique du premier combat victorieux contre le lobby nucléaire : celui de la population de Plogoff dans la Pointe du Raz et des comités qui la soutenaient.
C’est aussi un document utile à tous ceux qui, aujourd’hui, reprennent ce combat. Que ce soit contre l’EPR de Flamanville ou contre l’aéroport de Notre Dame des Landes.
C’est pourquoi nous avons souhaité mettre ici cet ouvrage à votre disposition. L’auteur sera cependant très heureux de recevoir vos commandes (voir ci dessous).
première mise en ligne 16 avril 2007.
PLOGOFF, une victoire contre le nucléaire. Le livre.
Plogoff a gagné ! En moins d’une seconde la joie explose, dans le local de Radio-Plogoff, en ce 10 mai 1981.
Pour la première fois, une résistance de cinq ans, marquée par les affrontements de six semaines d’enquête publique, a fait reculer le colosse EDF et le lobby nucléaire.
Près de 25 ans plus tard un livre, "Plogoff, un combat pour demain" retrace les étapes essentielles de cette lutte.
Il nous mène à la Pointe du Raz mais il s’inscrit également, de Malville au Larzac, dans le contexte des luttes menées en France dans les années 1970/1980.
Il parle de Three mile Island, de Tchernobyl et des risques que nous fait courir la dissémination nucléaire.
Il parle de l’effet de serre, du réchauffement climatique et rappelle l’espoir né à Plogoff d’expérimenter, à une échelle locale une politique d’économie d’énergie et de développement des énergies renouvelables.
Il rappelle les promesses non tenues et les 20 années perdues.
Ecrit, avec une volonté narrative, c’est un travail de mémoire qui, au-delà du mythe de Plogoff, cherche à situer les responsabilités politiques d’hier et d’aujourd’hui au moment où le gouvernement français relance la politique de dissémination nucléaire de la France au travers des centrales EPR (European Pressurised Réactors).
Venue trop tard, la victoire de Plogoff, malgré la solidarité active apportée aux autres sites, n’a pas permis d’infléchir le premier programme nucléaire français. Puisse l’expérience de cette lutte aider, aujourd’hui, ceux qui, à Flamanville et ailleurs reprennent le flambeau.
Voir aussi : affiches et auto-collants de la lutte de Plogoff
L’auteur :
Gérard Borvon a été l’un des participants actifs de la lutte contre l’installation d’une centrale nucléaire en Bretagne. Il a, en particulier été l’un des rédacteurs du journal "NUKLEEL ?", le journal de la coordination des Clin (comités d’information nucléaire). Il en a conservé une abondante documentation.
Contact :
Gérard Borvon 20 rue des frères Mazéas 29800 Landerneau. Tel. : 02 98 85 12 30
On peut commander le livre "Plogoff, un combat pour demain" :
en adressant un chèque de 19 euros (15 euros+ 4 euros de port) à : Gérard Borvon 20 rue des frères Mazéas 29800 Landerneau.
Un livre plus que jamais d’actualité.
SOMMAIRE
Maro mig
Une affiche sur le mur
Avant la tempête
Ce n’est qu’un début
Une déjà longue histoire
La tension monte
Au milieu des récifs
Le décor est planté
Après l’enquête
Plogoff en fête
Temps variable sur Plogoff
Un combat pour demain
Maro Mig.
25 septembre 1978, 15000 morts au centre de la ville de Brest.
L’image est le moment fort de la première manifestation massive contre le nucléaire en Bretagne. Ce "dead-in" inspiré des démonstrations pacifiques des opposants américains à la guerre du Vietnam, est devenu ici un "maro mig". L’expression bretonne a été forgée pour l’occasion. Ces corps allongés symbolisent les morts d’un futur accident nucléaire.
Sur les marches de la mairie, au milieu d’une forêt de banderoles, une voix, rebondissant en échos d’un bord à l’autre de la place, lit le message d’alerte du plan Orsec-rad. Ce texte est la traduction française du plan mis en place par les autorités allemandes pour les populations voisines de la centrale française de Fessenheim, sur le Rhin. Il est supposé être diffusé, jusqu’au moindre hameau, par voitures équipées de haut-parleurs, en cas d’accident sur la centrale nucléaire.
Les manifestants ont répondu à l’appel des CLIN (comités locaux d’information nucléaire) de Ploumoguer, Landerneau et Brest qui, depuis deux ans, organisent la lutte contre un projet de centrale nucléaire à Ploumoguer dans le Nord-Finistère.
L’histoire de cette "centrale baladeuse" commence en septembre 1975. Le jour où le Conseil Régional de Bretagne se prononce en faveur de l’implantation d’une centrale nucléaire quelque part en Bretagne. Le projet, présenté par EDF, est de 4 tranches de 1300 mégawatts en site côtier. Cinq sites sont proposés : Beg-an-Fry, près de Lannion, Ploumoguer, près du Conquet, Plogoff à la pointe du raz, Tréguennec en baie d’Audierne et Erdeven dans le Morbihan.
Dès 1976, des travaux d’approches sont effectués. Ils provoquent une mobilisation radicale à Erdeven et, déjà, les premières barricades de Plogoff.
La pression est finalement mise sur Ploumoguer. Commencent alors deux ans d’une guérilla qui, en cet automne de 1978, va bientôt devoir affronter une nouvelle offensive : le 12 septembre, le Conseil Economique et Social de Bretagne doit se réunir pour proposer le lieu définitif de l’installation. Ce vote sera suivi de ceux du Conseil Régional de Bretagne et du Conseil Général du Finistère.
Pour ne pas être pris au dépourvu, les CLIN ont décidé d’appeler à une manifestation massive à Brest. Ils espèrent 10 000 manifestants, ils seront 15 000 !
Cependant le rassemblement a changé de nature. Impressionnés par la résistance de Ploumoguer, les pouvoirs publics décident de jouer une nouvelle carte : Ploumoguer bouge de trop, ce sera Plogoff !
C’est donc un cortège précédé de la banderole "Plogoff-Ploumoguer même combat" qui s’étire le long des rues brestoises.
En tête, une délégation de Plogoff menée par son maire, Jean Marie Kerloc’h, qui deviendra l’un des personnages centraux de cette aventure. A ses côtés ceux de Ploumoguer accompagnés par une délégation du Pellerin, près de Nantes, déjà bien avancée dans une lutte efficace. Les agriculteurs, les marins-pêcheurs, les associations de consommateurs, les syndicats, les partis de gauche... tous ont répondu présent.
Le passage de témoin se fait dans la bonne humeur sous un soleil d’automne à la douceur printanière. Après le représentant nord-finistérien qui rappelle que : "habitants de Ploumoguer, de Plogoff ou d’ailleurs, nous sommes tous menacés", le maire de Plogoff invite chacun à rejoindre le combat de sa commune :
"Il faut que nos enfants puissent vivre dans ce pays. Qu’ils n’aient pas l’occasion de nous reprocher, un jour, de n’avoir rien fait".
Les deux ans de lutte contre la centrale de Ploumoguer ne seront pas perdus. Pendant ces deux années se sont rôdés, localement, des modes d’action parfois inspirés des nouvelles formes de luttes qui ont fleuri ailleurs : les LIP à Besançon, le Larzac. Deux ans de fêtes et de rencontres amicales. Deux ans ponctués, aussi, de moments dramatiques : la répression de la manifestation de Malville, la marée noire de l’Amoco Cadiz.
Les luttes de Ploumoguer et Plogoff sont indissociables. Nous allons en suivre les étapes essentielles, depuis les premières affiches sur les murs de Ploumoguer jusqu’à la victoire de Plogoff. Nous en décrirons les acteurs, l’ambiance, les objectifs.
Nous en montrerons l’actualité à un moment où nous ne pouvons plus ignorer les morts de Tchernobyl et où se pose, à nouveau, la question de la relance du programme électronucléaire français. Au moment, aussi, où la dissémination nucléaire ajoute une dimension supplémentaire à l’angoisse de ce monde livré aux terrorismes, qu’ils soient celui de groupes diffus ou celui d’états organisés.
Une affiche sur le mur
Impossible de ne pas remarquer l’affiche sur le mur. Caractères rouge sang sur fond jaune d’or. L’œil est d’abord attiré par un étrange squelette de poisson. Entre la tête de raie triste et la queue largement étalée les arrêtes s’écartent de part et d’autre d’une colonne dont chaque vertèbre représente l’une des lettres du nom d’une localité qui sera, bientôt, l’un des lieux vivants de la contestation nucléaire bretonne :
P O R S M O G U E R
Encadrant l’arrête, dont le symbole sera plusieurs fois décliné sur d’autres sites, un slogan en larges lettres :
N O N A U X
C E N T R A L E S
N U C L E A I R E S
L’affiche porte une signature : Comité Local d’Information Nucléaire, le CLIN. Ainsi commencent les années Ploumoguer.
L’histoire, nous l’avons vu, débute en 1975. Après une période de rumeurs et de bruits de couloirs, EDF confirme son intérêt pour les sites de Brentec’h et du Corsen sur la côte de Porsmoguer qui dépend de Ploumoguer, commune proche de Brest. Commence alors l’habituel ballet de séduction. Les élus sont promenés d’Angleterre à Chinon et se voient déployer les tapis rouges de la préfecture. Les promesses d’emplois, d’argent, d’honneurs pleuvent. Elles ont peu d’effet.
Le premier Clin
Pour répondre à EDF un premier "Clin" (Comité Local d’Information Nucléaire) est créé. Il sera suivi de beaucoup d’autres. Nous reparlerons des "Clin", comités d’information avant d’être de lutte. Celui de Ploumoguer donne le ton.
Le Pays est d’abord une région d’agriculture active, adaptée aux cultures légumières, à l’élevage et bénéficiant de la proximité de l’agglomération brestoise. Le canton est celui du département qui a accueilli le plus de jeunes agriculteurs dans les années récentes. Ce sont des syndicalistes actifs, proches souvent des "paysans-travailleurs", ces précurseurs de la confédération paysanne. La "guerre du lait" menée quelques années auparavant contre les laiteries qui les exploitaient est encore dans les mémoires. Ils savent que la construction de la centrale signifierait leur expropriation et la perte de confiance dans leurs produits. Ils préfèrent l’horizon de la mer à celui des pylônes à haute tension. Ce sont eux qui prendront la tête de la contestation.
La commune est proche du Conquet, le seul port conséquent du Nord-Finistère et gros fournisseur de crustacés. Le comité des pêches ne leur ménagera pas son soutien. A proximité se trouve également le CNEXO, actuel IFREMER, centre national d’étude des océans dont plusieurs ingénieurs et techniciens habitent la commune ou les communes voisines. Certains d’entre eux seront des informateurs et soutiens efficaces. N’oublions pas Brest, ses étudiants et ses jeunes travailleurs, encore marqués par l’esprit frondeur des années 68.
Rien d’étonnant, donc, à ce que toute une jeunesse se reconnaisse dans ces militants de leur âge, sachant alterner la recherche sérieuse de l’information avec les formes les plus festives de la contestation. Il est vrai qu’un fest-noz animé par "Bleizi ruz", "Diaouled ar Menez", ou "Sonerien Du", vaut bien une conférence quand il s’agit de populariser une lutte. Entre une "dans-plin" et un "an-dro" on a le temps de jeter un coup d’œil sur la table de presse et les panneaux d’information, d’échanger quelques mots avec les militants et de prendre connaissance du programme des prochaines manifestations.
Rapidement le Clin de Ploumoguer emporte l’adhésion des "anciens" qui se reconnaissent volontiers dans cette jeunesse enthousiaste qui a relevé le défi de la désertification rurale et décidé de "vivre, travailler et... décider au Pays". Les conseils municipaux de Ploumoguer, Plouarzel, Saint-Renan, le Conquet, directement concernés, se prononcent contre la centrale. Ces localités décrèteront une opération "communes mortes" en février 1976. Au même moment 3000 personnes manifestent à Brest pour exprimer leur soutien.
Côté EDF l’inquiétude monte. Un rapport "confidentiel" du service central des relations publiques d’EDF est rendu public en mai 1977 par le journal "La gueule ouverte". Les spécialistes en manipulation de EDF estiment que l’état d’esprit des habitants de Ploumoguer a atteint la dangereuse "phase 3". Pour ces experts la "phase 3" est celle où "les notables sont encore favorables à la centrale mais se retrouvent isolés : la population, dans sa grande majorité est devenue hostile". On apprend ainsi que des campagnes d’information vont devoir éclairer cette population si mal influencée. Deux lettres coup sur coup arrivent dans les boites pour exalter "l’apport économique de l’ouverture d’un grand chantier de construction d’une centrale" sur ce morceau de côte présenté comme constitué de "rochers déserts où viennent rarement les touristes".
Erreur monumentale ! Ces rochers déserts cachent des criques où chacun peut lancer sa ligne et poser ses casiers. Ces landes offrent des échappées superbes pour les promenades en bord de mer. Le mépris affiché par les technocrates pour ces lieux perdus du bout du monde est ressenti comme un véritable camouflet. Le Clin n’aura aucun mal à récupérer les missives qui seront rassemblées, au bourg, chez trois commerçants volontaires, et rapportées au siège brestois de EDF par une forte délégation amusée.
" Si EDF ne sait pas que faire de son argent, je veux bien un chèque pour le bureau d’aide sociale de ma commune" dira le maire de Plouarzel qui accompagne le groupe. L’état d’esprit des habitants de Ploumoguer venait brutalement de passer en "phase 4" !
En ce printemps 77 la lutte antinucléaire ressemble encore à une partie de cache-cache. Face au balourd EDF on prend plaisir à multiplier les pieds de nez. Ailleurs également l’imagination est au pouvoir. Les militants bretons reçoivent régulièrement la revue "SUPER-PHOLIX", la publication des comités Malville qui luttent contre la construction du surgénérateur Super-Phénix. Pendant l’été 1976, lors d’un premier rassemblement, les manifestants ont réussi à déborder les forces de l’ordre et à franchir pacifiquement les grilles du chantier. Les photos montrent des garçons et des filles assis et hilares, mouchoir noué sur la tête pour se protéger du soleil. En face les policiers sont en chemisette, visière relevée sur le casque. Image d’un face à face bon enfant.
Un autre rassemblement est prévu pour les 30 et 31 juillet 77. Il est appelé par le Mouvement Ecologique Rhône-Alpes, les Amis de la Terre Lyon, le Comité Antinucléaire de L’Ile-de-France, le Mouvement pour une Alternative Non Violente de Lyon et Paris.
"Rassemblement Non-Violent" proclame l’affiche dont l’illustration évoque l’ambiance de celui de 76 : barbes fleuries et chapelets de fleurs dans les cheveux. Les Clin finistériens en seront et organiseront un départ collectif.
Malville.
La filière américaine à eau sous pression (PWR) choisie par EDF présente des risques déjà supérieurs à ceux de la filière graphite-gaz initialement mise au point par la France. Le passage aux surgénérateurs accroît considérablement le danger. Cette filière utilise du plutonium 239. Elle doit son nom au fait que ses réacteurs sont eux-mêmes producteurs de plutonium par irradiation de l’uranium 238 qui constitue une part essentielle du combustible.
Le plutonium est un matériau bien plus dangereux que l’uranium. Il est d’abord extrêmement toxique. Inhalé, il peut entraîner un cancer mortel du poumon à partir d’une dose mesurée en millionièmes de grammes. Le moindre accident sur les lieux de production, pendant le transport ou dans la centrale, pourrait avoir des conséquences redoutables.
D’autre part, il suffit de moins de 10 kg de plutonium pour faire une bombe nucléaire. Or EDF prévoit de construire un surgénérateur de 1800 mégawatts par an à partir de 1985. Ce sont donc des dizaines de tonnes de plutonium qui circuleront chaque année sur les routes françaises. Sans compter les risques d’accident, on peut imaginer la difficulté à sécuriser ces convois vis à vis de visées mafieuses ou terroristes.
Autre sujet d’inquiétude : les surgénérateurs peuvent donner lieu à des "excursions nucléaires". Ces excursions n’ont rien à voir avec les voyages régulièrement organisés par EDF, repas gastronomique à l’appui, pour gagner la complicité des élus. Le terme a été forgé par les technocrates de l’atome pour désigner de possibles explosions. Les enceintes ont été prévues "pour", diront les "spécialistes", mais cela ne dépasse pas le stade du calcul théorique et il est difficile de se satisfaire de cette fragile certitude quand les 5 tonnes de plutonium du combustible nucléaire peuvent menacer les populations voisines (Lyon, Grenoble, Genève, sont à proximité).
Les raisons d’être inquiets sont sérieuses. Sur les 7 surgénérateurs qui ont déjà fonctionné dans le monde, 3 ont eu des accidents graves. Surtout qu’aux accidents de nature nucléaire il faut ajouter les risques liés à l’usage de 5000 tonnes de sodium en fusion comme fluide porteur de la chaleur. Le sodium est un métal extrêmement réactif qui explose au contact de l’eau et s’enflamme spontanément à l’air. On ne sait pas maîtriser un feu de sodium portant sur un tel volume de combustible et on sait, malgré le secret, qu’un accident de cette nature a déjà gravement endommagé le surgénérateur de Chevtchenko en Russie. Ces dangers ont amené les USA à renoncer à la filière.
En France, les dirigeants ont décidé de sauter sans hésiter de l’expérience Phénix (250 Mw) à Super-Phénix (1200 Mw). Les prises de position des scientifiques se sont multipliées. Un "appel des 400", hostile à ce programme, a recueilli plusieurs milliers de signatures. La commission de physique nucléaire et corpusculaire du CNRS, la commission Recherche du VIIe plan, se sont prononcées de façon très critique. A Genève, 1300 scientifiques du Centre Européen de Recherche Nucléaire (le CERN) prennent position contre le réacteur. Les représentants politiques locaux s’accordent aux avis des scientifiques : les conseils généraux de l’Isère et de la Savoie demandent l’arrêt de la construction de Super-phénix, de même que la plupart des conseils municipaux de la région.
Et pourtant le programme continue.
Que peut faire une population victime d’une telle obstination sinon exprimer publiquement son opposition ? La manifestation de 1976 n’a pas pu arrêter les travaux, il faut donc que celle de 1977 soit réellement massive. Les organisateurs veulent faire de ce rassemblement "une grande manifestation internationale et pacifique qui montrera la volonté massive des populations de s’opposer aux programmes nucléaires civils et militaires".
La manifestation sera internationale. La pollution n’a pas de frontières. Pourquoi les Français seraient-ils les seuls à manifester quant les Suisses, les Italiens, les Allemands sont aussi directement menacés ? Déjà les écologistes veulent penser et agir en européens. On leur fera payer cher cette mobilisation transfrontalière mais le mouvement est initié : on retrouvera des Allemands, des Suisses, des Italiens, des Anglais et bien d’autres nationalités aux rassemblements de Plogoff deux ans plus tard.
La manifestation sera pacifique. La présence du MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente) est le gage de cette volonté. Le rassemblement doit d’abord être un lieu de rencontres. Pour cela il est organisé en deux temps. Le 30 juillet des débats et forums se tiendront dans les différentes localités qui accueillent les marcheurs. Le 31, une marche pacifique se rendra sur le site.
Tout se passe d’abord comme prévu. Pour ne pas avoir de surprises des "jumelages" sont organisés entre les groupes voisins de la centrale et ceux des régions éloignées. Des accueils, des aires de camping, sont installés. Personne ne part à l’aventure. L’association des élus locaux contre Super-Phénix appelle tous les maires, adjoints ou conseillers de la région "à participer pacifiquement aux manifestations contre Super-Phénix". Ils sont également priés de "porter les couleurs de la république et d’user de leur influence au cours des manifestations afin d’éviter toute provocation". S’il y a bien une chose que les comités d’information sur le nucléaire savent, c’est qu’aucune action de force contre le chantier de la centrale ne pourrait être décisive. Seul compte le mouvement d’opinion.
Contre toute attente le climat se modifie dans les quinze premiers jours du mois de juillet. Les comités Malville n’ont pas compté avec une échéance proche : les élections législatives de mars 78.
Les partis de droite ne verraient pas sans intérêt renaître la "grande peur de 68" qui leur avait amené une écrasante majorité à la chambre. Dès les premiers jours de juillet l’ennemi est désigné : l’antinucléaire allemand ! Il est vrai que les manifestations allemandes de cette année 77 ont été toniques et que quelques images violentes ont fait la une des médias. Pour autant à aucun moment ces luttes n’ont dépassé en intensité certains conflits syndicaux ou certaines frondes paysannes dont les antinucléaires peuvent, hier comme aujourd’hui, être témoins. Pas de mairies et de préfectures saccagées par les antinucléaires, pas de gares incendiées, pas de ministres molestés.
D’autres encore, à gauche, aimeraient volontiers voir étouffer cette effervescence "gauchiste" dans laquelle ils continuent à voir une menace.
Côté PC les choses sont claires. Il vient de se rallier à la force de frappe et il a toujours soutenu le recours à l’énergie nucléaire. Depuis Joliot il est fortement implanté au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) et il détient un fort pouvoir à EDF par le relais de la CGT. La prétendue "autonomie" militaire et énergétique revendiquée par la droite française à travers ses programmes nucléaires correspond à l’orientation "nationale" de sa politique du moment.
Le PS, comme souvent, joue sur l’ambiguïté. Il faut ménager l’allié communiste sans perdre l’électorat de gauche majoritairement hostile au nucléaire. Il faut également tenir compte des soutiens que le lobby électronucléaire a su se gagner parmi les cadres du parti. Il laisse donc ses élus locaux s’engager sans prendre position sur le fond.
De façon inattendue c’est la CFDT qui déclenche la crise. Ses militants sont partout nombreux dans les mobilisations antinucléaires. Ceux des syndicats de l’énergie, en particulier, sont en première ligne. Mais il faut tenir compte de la proximité de certains de ses dirigeants avec le PS. Des dirigeants qui craignent également la montée des influences libertaires et autogestionnaires dans leurs rangs. Le 28 juillet, à deux jours de la manifestation, une intervention de son secrétaire confédéral, paraît dans la presse. Oubliant tous les dispositifs mis en place par les organisateurs pour une marche non violente il fait état de propos prêtés à des antinucléaires non identifiés, prétendant vouloir faire de Malville le "Dien Bien Phu" du nucléaire et il annonce le retrait de son syndicat de la marche.
Les organisateurs sont atterrés par ce "coup de couteau dans le dos". Dès lors un cycle infernal est engagé. Comment des comités dispersés et sans direction commune pourraient-ils se concerter en deux jours et renoncer à leur marche. Les manifestants sont déjà sur les routes et ne sont pas des lecteurs assidus de la presse quotidienne. Ils seront, qu’on le veuille ou non, plusieurs dizaines de milliers dès le samedi. Ce serait une impensable irresponsabilité de la part des organisateurs que de quitter le terrain et de les laisser livrés à eux-mêmes. La manifestation aura lieu et ses animateurs n’auront qu’un objectif : qu’elle se passe au mieux.
Encore faudrait-il qu’on ne cherche pas à tout prix à envenimer la situation. C’est pourtant ce que vont faire les pouvoirs publics, à commencer par le préfet de l’Isère, René Jannin.
Le 28 juillet au matin il annonce l’interdiction de la manifestation et le déploiement des forces de l’ordre. Trois mille policiers sont déjà en place et dix mille autres sont annoncés. A l’en croire, les manifestants français ne devraient pas dépasser les 15 000 mais d’Allemagne et de Suisse viendraient plus de 10 000 manifestants. La presse reprend ses propos, tenus "à demi-mot", pendant la conférence de presse : certains pourraient appartenir à la bande Baader-Meinhoff. La provocation policière est en marche.
Des barrages sont déjà en place pour gêner au maximum l’accès aux villages et à la centrale. Un couple de militants d’un Clin finistérien, accompagné de deux jeunes enfants, en fera l’expérience. Arrivés dès le 28, ils souhaitent simplement voir la centrale. Après un slalom pour trouver une voie d’accès qui ne soit pas barrée par de prétendus "techniciens de l’équipement", ils se garent enfin en vue du dôme de béton. Soudain, crissement de pneus, hurlements, ils se trouvent encadrés par deux véhicules d’où sortent une vingtaine d’hommes armés. Des policiers ? Rien ne permet de le savoir, leur uniforme entièrement noir ne porte aucun insigne. L’un d’entre eux, le responsable apparent du groupe, se détache. Salut les Bretons ! Dans une ambiance plus détendue il explique qu’il fait partie du groupement des gendarmes parachutistes de Mont-de-Marsan. Et ce jeune gradé, lui-même breton, d’expliquer à ses compatriotes qu’il ne faudra pas revenir le dimanche. On leur a passé, la veille, des films sur les "manifestations allemandes" et ils n’ont pas l’intention de faire de cadeaux. Cela va être la guerre. Ironie de l’histoire, le jeune gradé doit avouer qu’il est lui-même originaire de Ploumoguer, lieu présumé, à cette époque, de la future centrale bretonne. Fera-t-il également partie des mêmes gendarmes parachutistes appelés en renfort à Plogoff près de deux ans plus tard ?
Pour autant les organisateurs ne se laissent pas décourager. Aux points d’information organisés sur tous les accès ils s’activent, dans un climat plutôt souriant, à orienter les milliers d’arrivants vers les différents campings organisés par les mairies et à les informer du programme des jours suivants.
Le samedi est occupé par des débats sur quatre lieux de rassemblement. La CFDT qui a décidé de ne pas appeler le dimanche est présente sur celui de Morestel. Ce sera le plus fréquenté pendant toute la journée. Dialogue sans trop de tension entre militants antinucléaires déçus et syndicalistes tentant d’expliquer la position de leur confédération. Cependant on commence à sentir une sourde inquiétude. La pluie n’arrange rien. Les manifestants ont lu la presse. Bien sûr les journaux de droite se déchaînent mais, à gauche, l’Humanité leur emboîte le pas. En première page un dessin de Wolinski nous montre un barbu éclairant d’une bougie le panneau routier annonçant "Malville, 15 kilomètres". Mais c’est trop gentil. En pages intérieures un dessin signé Pym-Lacroux représente trois affreux casqués, matraque et chaîne de vélo en main. L’un a le visage de Giscard, l’autre celui de Barre, le troisième celui de Chirac : "Tous à la manif" disent-ils ! Ennemis du progrès, complices de la droite, tels sont les antinucléaires vus du PC.
Les radios adoptent le même ton. Sur la place de Morestel des militants écoutent l’émission "d’information" d’une radio publique. Un reporter y décrit, en direct, l’agence d’une banque de Morestel, vitrine enfoncée et pillée par des vandales. Pourtant la banque est là, en face d’eux, rideaux baissés, rien ne s’y passe et aucun reporter n’est là !
Des groupes dispersés discutent. Que faire le lendemain ? Chacun sait que la journée sera à hauts risques.
Le Préfet Jannin a donné, le matin même, une interview. Le journaliste du journal "Le Matin" le décrit hautain, haineux, clamant sa détermination :
"Ils ne passeront pas. Des instructions ont été données. Si nécessaire, je donnerai moi-même l’ordre d’ouvrir le feu".
Le journaliste décrit une réunion ahurissante avec des références à un triste passé : "Il y a ici 3000 à 4000 allemands animés par une volonté offensive. Morestel est occupée pour la deuxième fois de son histoire. Mais nous les viderons... comme nous l’avons déjà fait". Une réunion honteuse conclura le journaliste !
Le préfet a tout prévu : des hélicoptères, des véhicules amphibie, des ponts mobiles pour amener sur place des renforts massés sur l’autre rive du Rhône, des hommes-grenouilles, des brigades anti-émeutes en provenance de Paris, 3000 gendarmes et CRS et, pour couronner le tout, un régiment de gendarmes parachutistes.
La décision du préfet laisse, cependant, place à différentes interprétations. Au lieu d’interdire totalement la manifestation, il a décidé d’interdire la traversée de la Nationale 75 qui borde le site. La question est donc jusqu’où aller ? La proposition qui semble l’emporter est celle de franchir la RN 75 pour le symbole et de s’arrêter là.
"Des écharpes tricolores en tête de la marche verte." Ce titre est celui du journal "Le Matin", du 30 juillet. Les élus locaux n’ont pas déserté. Ils seront, écharpe tricolore en vue, à la tête de chacun des cortèges qui convergeront vers le site à partir de 9 heures le dimanche matin. Les membres du comité d’organisation ont de bonnes raisons de penser que, malgré la provocation, la manifestation se déroulera sans heurt majeur.
Des armes de guerre !
A 9 heures, le dimanche 31, deux cortèges se forment comprenant chacun plusieurs dizaines de milliers de personnes. L’ambiance est silencieuse. Il pleut. Un long cordon de cirés colorés s’étire sur plusieurs kilomètres. Les derniers ne connaîtront que par la radio les évènements qui se passent devant. Aux avant postes la manifestation s’est arrêtée dès que CRS et gardes mobiles ont été en vue. Les organisateurs invitent à la dislocation. L’autodiscipline fonctionne et la masse des manifestants s’installe dans une présence silencieuse. Chacun a compris que la marche s’arrête là.
Quelques dizaines de manifestants cependant, dont certains casqués et armés de bâtons, quittent les rangs et se dirigent vers les gendarmes. Les moyens classiques pourraient suffire à contenir cette agitation désorganisée. Mais ici la répression violente a été préméditée. Au lieu de banales grenades lacrymogènes, les forces de l’ordre ont été munies d’armes dont elles ne connaissent même pas les effets. De véritables armes de guerre.
Un journaliste du journal le Dauphiné témoigne : "un manifestant, alors qu’il venait de ramasser une grenade jetée par le service d’ordre pour la renvoyer à l’expéditeur, fut surpris par son explosion. La main arrachée il se mit à courir en hurlant ; il fut aussitôt transporté par une antenne médicale, et immédiatement opéré. Il s’agissait d’un allemand de 20 ans". Quelques temps plus tard la douleur frappe l’autre camp : "une grenade offensive a également explosé dans la main d’un vieux gendarme mobile au moment où il s’apprêtait à la lancer. L’explosion a grièvement blessé deux de ses camarades, l’un à la poitrine, l’autre aux jambes. Lui-même a eu l’avant bras sectionné au niveau du poignet". Ailleurs un autre manifestant a eu le pied déchiqueté par une grenade offensive. Les photos atroces de ces membres mutilés s’étaleront dans la presse le lendemain.
Le pire est à venir. La police décide de faire reculer la masse des manifestants jusque là plutôt spectateurs que acteurs. La charge est violente, un corps reste étendu. Des secouristes se précipitent. Vital Michalon, 31 ans, a succombé. Arrêt cardiaque, dira le préfet Jannin avant qu’il soit prouvé qu’une grenade offensive lui a éclaté sur la poitrine. Beaucoup des manifestants apprennent le décès par les radios portatives dont ils se sont munis. Le retour dans les campements se fait dans un profond abattement.
Le lendemain une bonne partie de la presse se réveille enfin et fait part de son écœurement face aux violences policières. Mais le mal est fait. Le souvenir douloureux de Malville sera présent dans toutes les mobilisations à venir. Les violences et les lâchetés ne seront pas oubliées de si tôt.
Avant la tempête.
Septembre 77, retour en Bretagne. Malgré Malville la résolution est intacte. Surtout ne pas tomber dans le piège de la violence, informer, imaginer des formes d’action nouvelles, rassembler. Un coup d’œil sur les archives d’un Clin, celui de Landerneau, révèle le quotidien d’un comité local.
réunion du 12 septembre :
projet de rencontre avec la CGT et la CFDT pour aplanir les malentendus.
3 octobre : Préparer une tournée du clown Kergrist pour février. Jean Kergrist, le "clown atomique", est le meilleur ambassadeur de la cause antinucléaire. Son humour, sa didactique, sont imparables. Depuis le début de la lutte il promène son TNP (Théâtre National Portatif) sur toutes les scènes de Bretagne et d’ailleurs. 25 ans plus tard, les cibles se sont multipliées mais son énergie est restée intacte.
Préparer une semaine du film antinucléaire. Le collectif "grain de sable" qui diffuse une remarquable série de films militants a été contacté. "Grain de sable" regroupe des professionnels du cinéma qui se sont réunis en 1974 pour travailler à un cinéma construit avec les témoins directs des mobilisations. Le catalogue qu’ils nous communiquent contient des films sur l’école (68 est encore très proche), sur le monde du travail mais aussi, et c’est nouveau, sur les premières luttes pour la défense de l’environnement.
24 octobre : Préparer un stage de sérigraphie. D’abord cantonnés dans les caves et les garages, les ateliers d’imprimerie par sérigraphie vont se multiplier dans les "maisons pour tous" et les "centres sociaux". L’esprit de "mai" fleurit à nouveau. Les affiches ont quitté les murs du quartier latin pour éclore au cœur de chaque bourg. Elles font aujourd’hui le bonheur des collectionneurs et des musées spécialisés.
7 Novembre : Mettre en place l’opération "auto réduction de 15%". Le premier mai 1976, pour financer sa politique du "tout nucléaire", EDF a augmenté ses tarifs de 15%. L’idée germe de réduire soi même sa facture d’électricité de 15%. L’action est suivie par 4000 personnes en France. L’exemple est donné d’un immeuble de Nantes où 80 familles participent à ce retrait. A ce stade du mouvement, EDF peut encore se permettre de couper le courant aux récalcitrants. Certains paient et recommencent. D’autres tiennent bon.
Un groupe de militants installés dans une ferme proche de Landerneau, se trouve dans ce cas. Privés d’électricité, ils ont pu ainsi, pendant plus d’un an, expérimenter ce "retour à la bougie" dont les menacent les partisans du nucléaire : soirées chaleureuses entre copains autour d’un feu de bois, lumière vacillante des lampes à pétrole réquisitionnées dans les familles. L’occasion, peut-être, de se souvenir, avec Bachelard, que " Jadis, en un jadis par les rêves eux-mêmes oublié, la flamme d’une chandelle faisait penser les sages".
L’expérience se prête, pour le moins, à une réflexion concrète sur les alternatives au nucléaire : les économies d’énergie, les éoliennes, le solaire. Certaines maisons aujourd’hui "autonomes" ont été "rêvées" au cours de ces soirées. Généralisé, ce mouvement de désobéissance civile aurait pu avoir un impact fort mais la non-violence demande un courage individuel allié à un engagement quotidien. Il est plus facile de participer à des manifestations massives et sporadiques. Le mouvement n’aura pas l’ampleur souhaitée.
Une expérience n’est, cependant, jamais oubliée. Aujourd’hui, à nouveau en Bretagne mais aussi dans d’autres régions, des consommateurs font des retraits sur leurs factures d’eau pour protester contre la pollution par les nitrates et les pesticides. Demain d’autres, peut-être, reprendront le flambeau pour bloquer la relance du programme électronucléaire français.
28 novembre : lecture d’un article du "Nouvel Observateur" concernant un rapport de la commission des finances de l’assemblée nationale, extrêmement critique vis à vis du programme électronucléaire et affirmant tout simplement qu’il constitue un gouffre financier. Nous reparlerons de ce rapport qui sera désigné par la suite comme le "rapport Schloesing", du nom de son rapporteur. Décision est prise de le commander et de le diffuser.
12 décembre :
commander des autocollants. La voiture d’un antinucléaire, vieille "4L" ou "4 chevaux" déglinguée, se reconnaît du premier coup d’œil à la somme et à la diversité des autocollants qui la recouvrent. Révolte, humour, dérision, s’y expriment sous toutes les formes. Le plus diffusé sera le "soleil souriant", rouge sur fond jaune, dont le "nucléaire non merci" sera décliné dans toutes les langues. " Nukleel, Nann Trugarez" sera ainsi le slogan antinucléaire breton le plus populaire.
26 janvier :
Le journal Ouest-France fait part d’une information des services officiels suisses qui envisagent comme possible l’arrivée au-dessus de la région brestoise, le vendredi 27 à midi, du nuage radioactif résultant de la chute du satellite soviétique "Cosmos 954". Ce nuage est estimé à 300 km de long sur 50 à 65 km d’épaisseur. Dans une lettre ouverte, le Clin demande au préfet quelles sont les mesures prises pour informer et protéger la population.
31 janvier :
Réponse du préfet :
"J’ai l’honneur de vous faire connaître que la radioactivité de l’atmosphère est surveillée en permanence dans le département, au moyen d’un réseau d’appareils disposés dans les centres de secours des Sapeurs-Pompiers, les Commissariats de Police ou les Brigades de Gendarmerie, de façon à assurer un quadrillage complet du département.
J’ajoute que ce réseau n’a signalé à ce jour aucune variation de la radioactivité atmosphérique à la suite de la rentrée dans l’atmosphère de "COSMOS 954"
Le préfet aurait pu ajouter qu’il dispose à Brest des mesures quotidiennes réalisées par la marine nationale. Ces services ne détecteront pas non plus, le nuage de Tchernobyl, plusieurs années plus tard. Chacun sait que la pollution radioactive respecte les frontières de la France, qu’elles soient terrestres ou maritimes !
20 février : le programme du festival est bouclé. Il se tiendra entre le 15 et le 23 avril. Quatre films sont retenus :
. "La bombe", de Peter Watkins se présente comme un reportage TV. Une ogive nucléaire s’abat sur Londres. La fiction est assez proche de la réalité pour que la BBC ait renoncé à programmer le film, dans la crainte d’affoler la population.
. "Nucléaire Danger immédiat", de Serge Poljinsy traite du programme nucléaire français. Des "paysans-travailleurs" luttent contre ceux qui veulent les expulser pour construire une centrale nucléaire sur leurs terres. Inculpés pour actes "violents", ils deviennent accusateurs.
. "Docteur Fol Amour" de Stanley Kubric met en scène, avec humour, un savant atomiste déséquilibré qui déclenche un conflit nucléaire mondial.
. "Kashima Paradise" de Yann Le Masson et B. Deswarte décrit la résistance acharnée des paysans de Narita, au Japon, entre Kashima et Tokyo, contre la construction d’un gigantesque aéroport international. Certains des acteurs de cette lutte auront l’occasion de rencontrer les gens de Plogoff lors d’une fête sur le plateau du Larzac.
élections législatives : ce n’est manifestement pas le premier sujet de préoccupation. Un espoir a été cassé à Malville. Même les deux candidats de "Ecologie 78" n’entraînent pas autour d’eux la mobilisation qu’ils avaient des raisons d’espérer. Le Clin de Landerneau estime cependant devoir jouer son rôle civique et interroger les candidats. En 40 questions tous les aspects de la politique énergétique de la France sont évoqués, du nucléaire aux énergies nouvelles. Une seule candidate répond :
"J’ai bien reçu le questionnaire que vous m’avez adressé au sujet de l’énergie nucléaire.
Il ne m’est évidemment pas possible de répondre à l’ensemble des questions mais je tiens à vous faire savoir qu’elles ont retenu mon attention"
Sans commentaire !
2 mars :
Soirée électorale à Ploumoguer. Le Clin a invité les 7 candidats de la circonscription. Six ont répondu : P.S, P.C, U.D.B, L.O, R.P.R, U.D.F. En face un millier d’électeurs. Du jamais vu dans cette circonscription sage où le RPR établit généralement ses records nationaux. Bien sûr, aucun candidat ne se déclare favorable à la centrale. De l’avis des journalistes présents, le grand vainqueur est le Clin qui a donné, devant la population réunie, l’image d’une organisation sérieuse, aux positions réfléchies, capable de mobiliser largement.
12 mars :
Premier tour des élections législatives. La gauche piétine.
17 mars :
Au réveil, une odeur épouvantable. Difficile à définir : gaz ou pétrole ? Chacun, de Brest à Lorient se précipite vers sa gazinière ou sa chaudière pour en vérifier l’alimentation.
Pendant la nuit, le 16 mars à 21heures, l’Amoco-Cadiz s’est échoué sur les rochers de Portsall, une nappe d’un gaz chargé de benzène a recouvert la Bretagne, des flots de pétrole inondent les côtes.
Mazoutés aujourd’hui
Presque dix ans se sont écoulés depuis le naufrage du Torrey Canyon et la marée noire qui a souillé le département des Côtes-du-Nord (actuelles Côtes d’Armor). Seuls les dégazages sauvages apportent régulièrement leurs galettes de mazout gluant. Et voilà que les pétroliers semblent, à nouveau, attirés par les côtes bretonnes comme les oiseaux migrateurs par la lanterne du phare d’Ouessant.
24 janvier 1976 :
Après avoir quitté le port de Brest, le pétrolier Olympic Bravery vient s’échouer sur les côtes d’Ouessant. Il est vide et ne contient que les 1200 tonnes de son propre combustible. Le vider ne pose aucun problème mais aucune mesure n’est prise. Une tempête rompt le bateau au milieu du mois de mars. Le pétrole inonde les côtes d’Ouessant. Le plan Polmar, supposé lutter contre les pollutions marines, est enfin déclenché mais le mal est fait.
14 octobre 1976 :
En pleine tempête, un pétrolier allemand, le Bohlen, coule au large de l’île de Sein. Le pétrolier contient 1000 tonnes de brut qui commencent à se répandre sur toute la pointe de la Bretagne, depuis Portsall jusqu’à Penmarc’h. Le pompage du navire, tardivement engagé, durera jusqu’à la fin de l’été. Habituée aux naufrages qui, chaque hiver, se traduisent par plusieurs morts parmi les pêcheurs, la population se montre fataliste. Les plus remontés sont les militants écologistes, en particulier ceux de la Société pour l’Etude et la Protection de la Nature en Bretagne (SEPNB, qui deviendra "Bretagne Vivante").
Un tract exprime leur colère. A quoi bon se dépenser pour la sauvegarde de l’environnement naturel si les calculs financiers, l’inconscience et l’incompétence viennent tout ruiner en un seul instant.
"Depuis le naufrage de l’Olympic Bravery en janvier 76, malgré nos avertissements, rien n’a été fait. Il est quand même inconcevable à l’époque où l’on fore sous la mer des puits de pétrole à plus de 4000 m que l’on ne puisse rien faire pour un bateau coulé par 100 m de fond ! On n’a jamais voulu payer le prix des recherches nécessaires à la sécurité des côtes. On arrive, pour le profit, à mettre au point des techniques sous-marines remarquables. Qu’on fasse de même pour éviter les catastrophes ! " (Propos de Henri Didou, secrétaire du comité local des pêches).
Est-il utile de commenter, après les naufrages récents de l’Erika et du Prestige ?
Que faire du pétrole récolté ? Les 67 m3 de mazout ramassés à l’Ile de Sein ont été stockés dans des sacs en plastique mais Madame Giscard d’Estaing doit bientôt rendre visite à l’Ile, il faut faire place nette. Par "solidarité avec les Sénans", le maire de Quimper, Marc Bécam, propose l’enfouissement du mazout à Toulven, près de Quimper. Le 30 avril, à 6h du matin, trois camions lourdement chargés arrivent à la ferme de Kerhuella, domaine qui appartient à la municipalité. L’exploitant des lieux tombe des nues quand il voit déverser le cadeau empoisonné dans la fosse aménagée à cet effet. Emoi des partis de gauche et des associations qui demandent au maire de s’expliquer. "L’enlèvement n’est pas envisagé", répond-t-il, soutenu par le directeur de la protection civile.
27 familles des environs découvrent bientôt des auréoles brillantes à la surface de leur puits. Alarme de la municipalité qui décide "compte tenu de la psychose qui s’est instaurée" de retirer les 40 tonnes de mazout et de les stocker dans des containers sous abri. Ils seront finalement expédiés à Mantes La Jolie, dans la région parisienne pour "traitement". Exemple, à petite échelle, de méthodes qui seront massivement utilisées par la suite.
Anecdote : au début de l’année 2003 une plage des environs de Saint Brieuc est sévèrement souillée par du mazout. Pour tenter de retrouver le pétrolier responsable de ce dégazage, des analyses sont faites. Surprise : le pétrole est celui du Torrey Canyon. Il attend depuis 1967, dans une fosse creusée dans la dune, que l’érosion marine vienne le libérer !
16 mars 1978 : 8h00 : L’Amoco-Cadiz est au large d’Ouessant. Comme la plupart de ses semblables, il a une carte d’identité bien chargée. C’est un pétrolier de 233.690 tonnes construit à Cadix en 1974 et propriété de l’Amoco Transport Company Limited-Monrovia-Libéria, société libérienne qui a ses bureaux à Hamilton (Bermudes) et est une filiale de l’Amoco Company de Chicago, elle-même filiale de l’Américan Oil Company (société née du démembrement de la Standard Oil). Il navigue sous pavillon libérien et est affrété par la Schell britannique. Il transporte 221.561 tonnes de pétrole léger du golfe Persique à destination de Portland en Angleterre et de Rotterdam.
9h50 : Le gouvernail se bloque. Le capitaine fait stopper les machines et envoie un message annonçant que son navire n’est plus manœuvrable. Il demande aux autres navires de se tenir au large. Le vent souffle du nord-ouest et dirige le navire vers la côte. Les prévisions météo sont :
" Vent de force 7, coup de vent de force 9, peut-être tempête force 10 plus tard. Pluie et averses en rafale. Visibilité réduite ou bonne."
Situation critique !
11h20 : Le capitaine après avoir tenté de joindre sa compagnie constate qu’il dérive rapidement vers l’île d’Ouessant. Il demande l’assistance de remorqueurs. Le Pacific qui a quitté Brest à 8h24 est à une distance de 13 milles. Il fait demi-tour et prend contact avec l’Amoco-Cadiz. Commence, alors, un marchandage sur les conditions financières du remorquage.
12 h 55 : Les deux navires sont à 50 m l’un de l’autre. La négociation se poursuit.
13 h 31 : Une remorque a été lancée. L’Amoco-Cadiz n’a toujours pas accepté l’offre d’assistance.
14 h 35 : Le remorqueur a commencé à tirer lentement. Le capitaine de l’Amoco n’accepte toujours pas les propositions qui lui sont faites.
16 h 05 : Le contrat est enfin accepté, le remorquage démarre.
16 h 18 : La remorque casse !
19 h 57 : Quatre fusées successives sont lancées sur le pétrolier pour passer une remorque. Quatre échecs. Le courant s’accélère, les deux navires n’arrivent plus à communiquer. L’Amoco-Cadiz mouille son ancre. Une cinquième fusée atteint enfin son but.
20 h 55 : Le remorquage a repris. Le pétrolier, guindeau cassé, ne peut plus relever son ancre.
21 h 04 : Le pétrolier s’échoue. L’éclairage est coupé, le contact radio est rompu.
21 h 43 : La coque se disloque. Le pétrole coule à flots.
1 h 45 : L’équipage est hélitreuillé.
17 mars 1978 :
Une forte odeur de pétrole se répand sur toute la pointe de la Bretagne. La radio donne les premières informations. Comme toujours rassurantes. Les riverains, incrédules, se dirigent vers Portsall.
Noire tristesse,
Les premiers arrivés sur les lieux mesurent l’étendue de la catastrophe. Ce ne sont pas les nappes ou les boulettes de mazout des traditionnels "dégazages" qui arrivent sur les plages. La mer elle-même a disparu. A sa place, un liquide épais couleur chocolat ondule avec peine. Plus que l’odeur, c’est le silence qui frappe. La mer s’est tue, les oiseaux aussi. Ils ont déserté le ciel. Ceux qui n’ont pas pu fuir commencent à arriver à la côte, morts pour la plupart. La photo d’un petit pingouin, se débattant pour s’extraire de ce linceul visqueux sera publiée dès le lendemain. Elle deviendra le symbole de la tragédie. Chacun est silencieux. Quels commentaires pourrait-on faire ? L’inimaginable a eu lieu.
Dès le soir, les militants des Clin se réunissent. Il n’est pas possible de rester sans réaction. Le lendemain est un samedi, la population du Nord-Finistère se rendra inévitablement en masse sur la côte. Il ne faut pas que chacun se retrouve seul avec sa douleur et sa colère. Les Clin contactent les associations de consommateurs et de protection de l’environnement avec lesquelles ils ont déjà travaillé : la CSF (Confédération Syndicale des Familles), le CSCV (Confédération Syndicale du Cadre de vie), la SEPNB. Dès le matin une réunion est organisée au local de la CSF. Il faut manifester et il faut le faire dès aujourd’hui ! Décision est prise d’appeler, par un tract, les Brestois à manifester à 20h devant la sous-préfecture. Le texte est court. Sous un large titre : "RAS LE BOL DE LA FATALITE", trois phrases toutes simples :
Nous ne pouvons pas laisser plus longtemps notre colère renfermée.
Il faut que nous mettions tout en oeuvre pour que de telles catastrophes ne se renouvellent jamais.
Il est indispensable malgré l’heure tardive de l’appel que tous les habitants de cette contrée bafouée se rassemblent pour manifester leur révolte.
Comment diffuser cet appel tiré à plusieurs milliers d’exemplaires ? Etant donné l’urgence, on ne peut compter ni sur la presse ni sur la radio. Quatre ou cinq militants à chaque entrée de la ville feront l’affaire. La longueur des files de voitures qui reviennent de la côte en fin d’après midi est impressionnante. L’entrée dans la ville se fait au pas. Les tracts sont reçus avec une chaleur qui étourdit les distributeurs habitués à plus de circonspection. On descend de sa voiture pour venir en chercher, on en prend un paquet pour aider à la distribution, on s’encourage mutuellement.
Colère rouge,
A 20 heures, ils sont trois mille au rendez-vous. Dans la nuit un slogan spontané jaillit :
"Mazoutés aujourd’hui, radioactifs demain"
Certains, qui avaient regardé avec un peu de distance les premières manifestations des Clin, constatent soudain que le pire est possible. Il n’est pas difficile d’imaginer les flots de mazout venant engluer les circuits de refroidissement d’une centrale nucléaire construite en bord de côte.
D’autres manifestations suivront. Chaque fois plus imposantes. Dès la première on ne pouvait manquer de remarquer le dynamisme de premiers Comités Anti Marée Noire. Leurs autocollants au pingouin mazouté décoreront des milliers de voitures en quelques jours. A l’origine de leur création on trouve déjà plusieurs militants des Clin.
Les comités anti-marée noire et les Clin sont les principaux animateurs des manifestations qui vont se succéder pendant une semaine. Etudiants, jeunes travailleurs y trouvent spontanément un cadre pour exprimer leur révolte. Les lycéens sont particulièrement actifs, ils sont des milliers à manifester à Morlaix, Brest, Quimper, Châteaulin, Lesneven, Landerneau, à partir du 22 mars. Le lundi 27 mars, jour de Pâques, atteint un sommet. Dix-huit organisations, associatives, syndicales, politiques appellent à un rassemblement auquel participent de 15 000 à 20 000 manifestants.
Officiellement il s’agit d’une manifestation appelée par des organisations "responsables" qui demandent plus de moyens pour la prévention et qui exigent qu’aucun salarié ne perde de revenu du fait de la marée noire. La CGT, la CFDT, la FEN (Fédération de l’Education Nationale), qui sont les premiers signataires de l’appel, entendent bien ramener la mobilisation dans des chemins bien balisés. Peine perdue, le secrétaire départemental de la CGT a beau s’époumoner au micro, sa voix se perd sous le "mazoutés aujourd’hui, radioactifs demain" repris par la foule. De façon inattendue, le 27 mars devient la première grande manifestation antinucléaire de Bretagne.
Le cortège à travers les rues de Brest est sagement suivi par tous mais quand la dislocation est annoncée 5000 personnes descendent vers la préfecture maritime de Brest réfugiée dans le château médiéval aux murailles imposantes qui garde l’entrée de la rivière Penfeld.
On ne peut pas parler de "débordement". C’est une autre manifestation qui commence. Une manifestation qui, déjà, remet en cause une société où produire et consommer est devenu la seule règle. Lycéens, étudiants, jeunes travailleurs, sont naturellement en tête avec les comités anti-marée noire, mais les parents, les anciens, suivent et ne montrent pas de réprobation quand les premières pierres volent vers les remparts aux créneaux desquels luisent les casques des CRS.
Et à nouveau les grenades offensives explosent dans les premiers rangs des manifestants ! Que craignent les autorités ? Nous ne sommes plus au temps des "bonnets rouges" où les paysans bretons armés de fourches étaient encore capables d’investir quelques forteresses. Il suffirait de classiques lacrymogènes pour écarter les plus hardis des murailles. Comment ne pas se souvenir de Malville et de la provocation orchestrée ! Les Clin devront à présent vivre avec la hantise des blessures graves ou de celle de la mort d’un manifestant.
Une contestation réfléchie :
La sympathie dont bénéficient les comités anti-marée noire est-elle une raison suffisante pour que les autorités souhaitent orchestrer une escalade dans la violence ? Il est certain que ceux ci sont d’une redoutable efficacité.
L’inconscience des autorités est spectaculaire. Premier réflexe : cachez cette horreur ! Les touristes vont bientôt arriver, il faut leur montrer des plages propres. En ce temps où le "service militaire" existe encore, des milliers d’appelés ont été réquisitionnés par l’armée pour nettoyer les plages. Ils ont été rejoints par toute une jeunesse étudiante et ouvrière accourue spontanément ou vivement encouragée. Peu importe que ce pétrole présente une forte teneur en benzène, produit volatil et hautement cancérigène.
Dans une conférence de presse, des militants du Clin de Landerneau témoignent. Sous la responsabilité de la municipalité de la ville, un groupe de bénévoles est allé démazouter la plage de Santec durant les vacances scolaires.
Mercredi 5 avril : " arrivée à 9 heures sur les dunes du Theven. Une heure d’attente pour les gants. Remplissage de seaux et de sacs en plastique avec une mixture de mazout, de sable et d’algues rassemblés au moyen de racloirs. Aucune directive, aucun conseil. Au-dessus les pompiers arrosent les rochers et l’eau mazoutée dégouline, formant une mélasse dans laquelle nous pataugeons jusqu’aux chevilles, ce qui aggrave encore la situation. Manque de gros moyens : tracto-pelles, camions, tonnes à lisier...
Jeudi 6 avril : le matin, sur une trentaine de bénévoles, huit manquent de gants et de cirés, deux n’ont pu travailler ( les cirés n’ayant pas été nettoyés la veille, comme promis par l’armée, ce qui vaudra à un militaire 20 jours d’arrêt...). Dans l’après-midi, faute de moyens d’évacuation du pétrole, l’armée fait creuser une large fosse dans le sable, on y vide les poubelles en espérant un pompage rapide mais le soir la marée la recouvre... Le lendemain la fosse se transforme en sables mouvants où une jeep s’enlise, puis un camion. On note que personne ne coordonne toujours le travail.
"Pour qui avons nous ramassé le pétrole sur cette plage ?" se demandent les volontaires. "Pour être un point rouge sur la carte d’Etat Major du plan Polmar ou pour permettre à certains de faire des articles de presse et des photos à bon compte ?
De nombreux collecteurs souffrent de nausées et de maux de gorge parfois violents. Les comités anti-marée noire vont être seuls à les informer du danger du benzène et des précautions à prendre. Les seuls aussi à demander un suivi médical. Peine perdue.
Mais les comités veulent également profiter de l’occasion pour faire un travail politique. Une "lettre ouverte à un volontaire" est distribuée à ceux qui vont partir, en particulier, de la gare Montparnasse à Paris.
"Tu vas partir en Bretagne, nous on en revient. Oui, là bas c’est terrible. Sur des centaines de kilomètres, ce pétrole noir, gluant, et puis l’odeur, et puis les milliers de bretons qui se demandent ce qu’ils vont devenir. Oui, il faut faire quelque chose et on comprend que tu aies voulu partir. Mais là-bas, rappelle-toi que ce pétrole n’est pas tombé du ciel."
Après une dénonciation du système économique qui produit les catastrophes, un appel est lancé à l’engagement militant :
" Dans le train qui va partir, discute un peu de tout cela. Et écoute nos propositions. Sur place, ne reste pas dans le ghetto des camps qui seront mis sur pied. Organise-toi avec des copains, avec des copines et créez un "Comité anti-marée noire" parmi les volontaires, sur les bases de la plate-forme des comités bretons. Et dès votre arrivée, prenez contact avec les comités anti-marées noires, avec les associations écologistes locales... Participez aux manifestations en tant que volontaires et, s’il le faut, arrêtez le travail de nettoyage pour cela. La lutte pour les indemnisations, pour que les pollueurs paient, pour que des mesures de sécurité soient prises à l’avenir, c’est au moins aussi important que de nettoyer les plages."
Ainsi parlent de jeunes militants à de jeunes volontaires. Le même discours sera tenu aux appelés présents. De quoi inquiéter la hiérarchie militaire en ces temps de lutte des objecteurs de conscience et de comités de soldats. Quand ils quitteront la Bretagne les appelés et les volontaires se souviendront de cet accueil chaleureux et de la complicité d’une jeunesse en lutte. Plusieurs, à n’en pas douter reviendront à Plogoff.
Ce n’est qu’un début...
A partir d’avril 1978, la mobilisation prend une nouvelle force. Les plages polluées et les manifestations réprimées ont fait naître un sentiment de solidarité qui traverse à la fois les générations et les positions sociales. EDF est à présent associée au clan des agresseurs extérieurs, celui des pollueurs des mers et des bétonneurs de paysages côtiers.
Aux films antinucléaires viennent s’ajouter ceux sur la marée noire. "Marée noire, Colère rouge" de René Vautier, le cinéaste de "Avoir 20 ans dans les Aurès", sera le support des multiples soirées d’information organisées par les Clin.
La marée noire a vu la création d’une multitude de groupes. Il faut les fédérer. L’idée germe d’un journal de liaison entre les Clin. Le premier numéro de "Nukleel" (mot breton, forgé pour traduire "Nucléaire") paraîtra en novembre. Le journal se fixe pour objectif d’être l’organe d’information dont les Clin ont besoin, mais aussi de "coordonner la lutte contre EDF". En dehors des moments d’actualité, il traitera de thèmes généraux : les lignes à haute tension, le nucléaire et la santé, le nucléaire et la sûreté, le nucléaire militaire, les luttes antinucléaires à l’étranger, le nucléaire et l’emploi. Pendant quatre ans, avec 15 numéros publiés, il sera présent à chaque phase de la lutte. Le succès est immédiat malgré la forme très artisanale du journal. La moyenne des ventes sera de 3000 exemplaires par numéro avec un record de 5000 pour le numéro consacré au nucléaire militaire
A Ploumoguer le Clin crée le premier GFA breton. Le modèle vient du Larzac. Un Groupement Foncier Agricole permet l’achat collectif de terres dans l’espoir qu’il sera plus difficile d’exproprier des centaines de propriétaires que quelques uns. L’intérêt est aussi de créer un réseau d’adhérents qui répondront présents quand la menace se précisera. Adhérer à un GFA est, à l’évidence, une démarche plus facile que celle d’adhérer à un comité. Même un Clin éloigné du site n’a aucune difficulté à placer plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de parts. En juin 1978, la démarche se concrétise par l’achat de deux hectares et demi de terre agricole sur le site prévu pour la centrale. La terre doit prouver sa valeur économique : elle est louée à un exploitant sympathisant. Il faut dresser le maximum d’obstacles devant l’avancée du rouleau compresseur.
Une course de vitesse s’est, en effet, engagée entre les antinucléaires et EDF. Les prochaines étapes seront une délibération du Conseil Economique et Social, suivie d’un avis du Conseil Régional. Le conseil Général du Finistère aura ensuite son mot à dire avant que l’état prenne sa décision. A Ploumoguer, on met deux nouveaux fers au feu : l’organisation d’une manifestation à Brest le 23 septembre, une rencontre avec les élus du secteur.
Le 8 août 1978, M. Le Hir, le maire de Ploumoguer reçoit dans sa mairie : MM. Bérest et Goasduff, députés du Finistère, M. Lombard sénateur, MM. Arzel et Cheminant conseillers généraux ainsi que tous les maires du canton. Des représentants des syndicats agricoles et du comité des pêches se sont joints aux élus. Le conseiller général du canton de Saint Renan, M. Cheminant rappelle d’emblée l’hostilité générale de la population. Les représentants des communes environnantes et des associations professionnelles abondent dans le même sens. L’Amoco-Cadiz et le secret gardé sur le plan Orsec-Rad reviennent de façon régulière dans le débat.
Les élus, membres du conseil régional, interviennent à leur tour. M. Arzel qui a eu la malchance de recevoir l’Amoco Cadiz sur les côtes de sa commune n’oublie pas, cependant, qu’il est également président de la chambre d’agriculture du Finistère : "pour mener à bien la politique d’installation des jeunes dans l’agriculture", Il faut, dit-il, une"source d’énergie" en Bretagne. Discours connu. C’est avec cet argument qu’on a laissé se développer une agriculture industrielle, effectivement gourmande en énergie mais dont la pollution gangrène en ce moment la Bretagne. Les "marées vertes" des algues pourrissantes ont remplacé les marées noires sur les plages. Dans le même temps, plus de la moitié des exploitations agricoles ont été éliminées.
M. Arzel souhaite donc une centrale mais il est catégorique : pas de ça chez moi ! Pas de centrale sur des terres agricoles (surtout si ce sont ses terres électorales). D’ailleurs, croit-il savoir de source "bien informée", Ploumoguer ne serait plus en tête sur la liste.
M. Bérest, député, également membre du conseil régional, est d’un avis proche : aucune décision ne peut être prise contre l’hostilité unanime de la population. Il est donc contre la création d’une centrale "dans ce secteur".
Le second député, M. Goasduff, a des contacts en "haut lieu". Il fait état de la récente proposition qu’il a faite au ministre de l’industrie d’une centrale munie "d’aéroréfrigérants secs" à Brennilis.
Brennilis, dans les Monts d’Arrée a été l’une des premières centrales nucléaires françaises. Construite pour fournir le plutonium nécessaire à l’arme nucléaire elle n’a vraiment jamais beaucoup produit d’électricité. Cependant c’est un site "nucléarisé". Il sera l’objet de phantasmes à répétition pendant toute sa carrière : surgénérateur, centre de retraitement, centre d’enfouissement de déchets radioactifs... Sa chance : le lac de retenue qui alimente la centrale est ridiculement petit et ne permet pas le refroidissement d’une unité de grande puissance. D’où l’idée "d’aéroréfrigérants".
M. Lombard, pour conclure la réunion, propose aux conseils municipaux et aux associations de prendre une délibération à transmettre aux membres du Conseil Economique et Social, à ceux du Conseil Régional, ainsi qu’au Préfet de Région pour signaler leur opposition à la construction d’une centrale nucléaire, précisons bien : à Ploumoguer !
La leçon de l’Amoco-Cadiz n’est pas perdue. Les élus savent que la mobilisation qui a gonflé dans la grande ville voisine ne retombera pas de sitôt. Mieux vaut se débarrasser du problème chez le voisin.
Les Clin ne sont pas dupes. La réunion du conseil économique et social est programmée pour septembre. Dès à présent une manifestation est décidée, à Brest, pour le 23 du même mois.
Chronique d’une lâcheté ordinaire
Le temps de la décision approche. La presse distille les bruits de couloir. Le premier, le conseil économique et social aura à se prononcer le 12 septembre. Première lâcheté : les élus abandonnent aux représentants du monde "économique" la responsabilité d’un choix derrière lequel ils pourront s’abriter. Officiellement le choix est orienté par un rapport du C.N.E.X.O (Centre National d’étude pour l’Exploitation des Océans) et de l’I.S.T.P.M (Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes). Des "fuites" concernant ce rapport sont publiées dès le début du mois. Les sites de Tréguennec, Erdeven, Beg-an-Fry, seraient écartés par le C.N.E.X.O pour "l’importance des activités de pêche, la richesse planctonique et l’étendue de la tache thermique". L’I.S.T.P.M de son côté est plus précis. Il attribue à Ploumoguer la première place avec l’appréciation : "site non défavorable" ! Le moins qu’on puisse dire est que les "scientifiques" ne tiennent pas trop à se mouiller. Plogoff vient ensuite comme "site non défavorable mais réservé". Allez donc traduire !
Au fil des jours des informations font état d’un ordre qui pourrait être inversé. Les pressions occultes font leur effet. Plogoff veut montrer que, lui aussi, se prépare au pire et avant même la décision du C.E.S, une réunion préparatoire à la constitution d’un GFA est organisée.
Le verdict tombe le 12 septembre : c’est Plogoff ! Sur les 77 membres du conseil, 30 ont déserté. 28 se prononcent pour, 13 contre, 1 s’abstient et 5 refusent de voter.
A Plogoff c’est la consternation mais pas l’abattement. La résistance s’organise. Le GFA est créé dès le 15 septembre. La décision est prise de maintenir la manifestation prévue à Brest le 23 septembre mais de la transformer en la première étape d’une mobilisation de soutien de l’ensemble de la Bretagne à Plogoff.
En attendant on ne veut pas perdre de temps et un rassemblement est appelé pour le dimanche 17 septembre sur le site.
"Dernier combat pour une bataille perdue ? " titre "Ouest-France". Combien de fois les gens de Plogoff et les comités antinucléaires ne vont-ils pas entendre cette phrase !
Plogoff n’est pas seul.
Il faut que cette première riposte soit réussie. Jean-Marie Kerloc’h, le maire, réunit son comité de défense pour rédiger un "appel à la population" qui sonne comme une déclaration de guerre. Déjà des pétitions circulent, des affiches fleurissent un peu partout, lettres noires sur fond jaune :
" Avis aux conseillers généraux : centrales nucléaires, nous n’en voulons pas, nous n’en aurons pas ".
Les mots d’ordre de la manifestation sont arrêtés. Des classiques d’abord : " Notre député nous a trahis", ou encore "Non au nucléaire en Bretagne". Plus percutant : "Bretons, en 14 chair à canon, en 78 chair à neutrons ". Le ton est donné : cette fois on ne se laissera pas massacrer !
Le maire, ancien marin de la "Royale" prépare le déroulement du rassemblement dans le détail. On abordera le site de Feunteun Aod, lieu d’implantation prévu, à la fois par la mer et par la terre. Par la terre : départ de la mairie à 15h. Par la mer : tous les marins-pêcheurs de la région sont conviés à converger jusqu’au petit port de Feunteun Aod.
Les 5000 manifestants vont vivre un moment exceptionnel. En tête le drapeau tricolore. Les militants des comités devront s’y faire. Plogoff se veut républicaine. Elle a fourni, plus que d’autres, son contingent de marins d’état et de militaires. Elle se souvient, avec fierté, de son passé résistant, quand la Pointe du Raz était une base de débarquement ou d’embarquement pour les "combattants de l’ombre". Le drapeau tricolore sera son rempart face aux forces de répression.
Derrière, les slogans sont plus musclés. " Hier chair à canon, aujourd’hui chair à neutrons" fait fureur de même que "Marée noire ça suffit, nucléaire non merci".
"Non au nucléaire, oui au solaire", dit une banderole. Le soleil a-t-il entendu le message ? Il inonde les landes et les chemins d’une lumière de plein été.
Surprenante manifestation où les participants sont leurs propres spectateurs. Pas de rues à faire résonner de slogans vengeurs, pas de circulation à bloquer, pas de préfecture à assiéger. Seulement une longue promenade conviviale entre ciel, terre et mer. Simplement le plaisir d’être ensemble. L’arrivée sur la falaise est d’une beauté à couper le souffle. Sur mer, une quarantaine de bateaux de pêche arborant les couleurs de leurs bouées et des fanions attachés à leurs gréements saluent l’arrivée des manifestants par de longs appels de corne de brume. Ce jour là beaucoup ont forgé leur conviction que jamais ils ne laisseraient détruire un lieu à ce point chargé de beauté.
Les CLIN Finistère avaient prévu une manifestation à Brest le 23 septembre, ils la maintiennent. Nous avons déjà décrit le "maro mig" sur la place de la Liberté et les 15 000 manifestants réunis, comme aux plus fortes heures de la marée noire, sous la banderolle "Plogoff-Ploumoguer, même combat".
Le temps du mépris.
Deux jours plus tard, le Conseil Régional de Bretagne tient réunion à Saint-Brieuc, les 25 et 26 septembre. La délibération sur le choix du site de la centrale nucléaire est prévue pour le deuxième jour. Mais à Plogoff on se méfie. "Pour parer à toute éventualité nous avions toutefois établi une liste de 28 personnes mobilisables à tout moment", dira plus tard Jean-Marie Kerloc’h. Sage précaution, vers 10 heures, le premier jour, un correspondant prévient Plogoff par téléphone que le vote a été avancé au jour même. Une demi-heure plus tard le car communal embarque ses 28 personnes et cinq voitures individuelles sont remplies. En route pour Saint-Brieuc !
"Quand nous sommes arrivés", explique Jean-Marie Kerloc’h, "les grilles étaient fermées. J’avais mon écharpe, de ce fait on m’a laissé passer. Sur mon insistance, une partie de la délégation a pu rentrer à ma suite. La moitié dont mon adjointe, Amélie Kerloc’h, a dû rester dehors. C’est scandaleux et d’autant plus inadmissible qu’il y avait de la place dans les tribunes ; que le préfet de région, lui même, avait demandé à ce qu’on les remplisse. Ce que je ne digère pas, c’est que l’on ait pas daigné m’adresser une invitation officielle pour assister au débat sur un sujet aussi important qui engage tout l’avenir de ma commune. J’y ai quand même assisté, c’est sûr, mais en voleur" (Rapporté par Théo Le Diouron, journal Ouest-France).
Les privilégiés qui ont pu accompagner leur maire constatent que le problème de Plogoff semble être le dernier des soucis des conseillers régionaux ! Clet Kerloc’h, un nom décidément bien porté à Plogoff, est l’un des animateurs du comité de défense. Il n’en revient pas :
"On a souvent vu des députés qui dormaient à l’Assemblée Nationale. Hier, nous avons aussi, hélas, vu cela à Saint-Brieuc. J’éprouve un sentiment de honte devant cette majorité qui somnolait, qui semblait se désintéresser d’un problème aussi grave. Nos élus nous ont véritablement laissés tomber".
Jean-Marie Kerloc’h veut faire une déclaration. Refus ! On lui accorde à peine le droit de s’exprimer devant une commission dont le rapporteur trahira ses propos.
Le vote donne 44 voix pour (vote des élus majoritaires de droite), 21 contre (PS, PC et UDB) et 5 abstentions. Jean-Marie Kerloc’h constate avec amertume que les élus du Nord Finistère qui s’étaient prononcés contre la centrale de Ploumoguer n’ont pas voté contre celle de Plogoff.
pinée. Combien de brestois sont allés à Plogoff ? Vous ne mobiliserez jamais les Léonards (habitants du nord Finistère, du "Léon") contre Plogoff. Arzano et Biarritz, pour eux, c’est la même chose ! Je n’ai jamais cru à Ploumoguer en raison de la proximité de Brest. Ce n’était pas souhaitable, du point de vue de l’EDF qui ne prendrait pas le risque d’une implantation à côté d’une grande ville".
Ce mépris, Jean-Marie Kerloc’h l’avait ressenti jusqu’à l’écœurement. "Plogoff est en deuil" dira-t-il à la lecture du verdict. Mais pas question de baisser les bras. Sans attendre la décision du conseil général du Finistère, dont il n’espère plus rien, il lance un avertissement solennel à ceux qui voudraient les contraindre à renoncer : "On peut d’ores et déjà être certain que les études sur le terrain ne se feront pas toutes seules".
Première provocation.
Le dernier épisode doit se jouer au Conseil Général du Finistère le 29 novembre. Sans attendre, le comité de défense de Plogoff décide d’organiser une manifestation à Quimper le samedi 18 novembre.
Rien ne laisse supposer que cette manifestation puisse être autre chose que celle, conviviale, qui s’était déroulée à Plogoff en septembre. Pourtant les manifestants découvrent une ville en état de siège. Après avoir rapporté les propos d’un quimpérois : "On n’avait pas vu cela depuis l’occupation", le journaliste du journal Ouest-France, qui couvre l’évènement, laisse s’exprimer sa stupéfaction :
"La préfecture du Finistère, samedi en début d’après-midi, avait les apparences d’une ville morte : rues aux trois quarts désertes et gardées par des CRS, parkings vides, grilles de la plupart des magasins baissées. Depuis quelques jours, il est vrai, les bruits les plus alarmants répandus dans la ville avaient fini par créer un climat de psychose générale : les manifestants étaient décidés à tout casser ; certains d’ailleurs seraient armés ; on annonçait la venue d’allemands, d’italiens et d’autres étrangers ; les affrontements avec les forces de l’ordre allaient être d’une violence extrême. On citait Malville et la manifestation antinucléaire de Brest en septembre qui s’est terminée par dGCfVuEKvQxP5FmxP2FKh/f0WDRpLZ5/eA9
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