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Des compteurs d’eau pour les industriels, pas pour les consommateurs domestiques. Une proposition de "Eau Secours !" Québec.

jeudi 1er juillet 2010

"Certains croient que tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les usagers payaient directement le vrai prix de l’eau. Selon une logique économique naïve, on consommerait inconsidérément ce qui est gratuit et le fait de payer conduirait à un ajustement rationnel des quantités consommées. En réalité ce raisonnement est vrai seulement pour les gros consommateurs industriels ; il est tout à fait faux, et même pernicieux, lorsqu’on l’applique aux consommateurs résidentiels."

Le propos sert d’introduction à une étude réalisée par le groupe de recherche "Urbanisation, Culture et société", de l’Institut National de la Recherche Scientifique de l’Université du Québec.

C’est exactement l’argumentation développée par l’association québécoise "Eau Secours" qui a reçu une délégation de S-eau-S en février 2008.


Dans presque tous les pays de l’OCDE, l’eau amenée à chaque immeuble collectif est mesurée, même s’il est plus rare de retrouver un compteur par appartement.

Le Canada et plus particulièrement le Québec font figure à part. En 1999, 55 % des résidences canadiennes, desservies par un réseau municipal, étaient équipées de compteurs d’eau alors que cette proportion était de 15 % au Québec.

Les autorités québécoises ont donc décidé d’un programme d’installation de compteurs.

Compteurs = privatisation ?

Des compteurs pour privatiser le service d’eau : c’est ce que craignent de nombreuses associations québécoises et en particulier "Eau Secours ! ". Il faut dire que l’exemple français est là pour nourrir leur inquiétude.

Sans compteurs : pas de facture, pas de privatisation possible. Tel est leur argument le plus fort.

Compteurs = économies ?

C’est l’argument essentiel des pro-compteurs.

"L’utilisation de compteurs favorise les usagers parcimonieux, qu’ils aient des revenus élevés (surtout dans le cas d’une tarification basée sur une évaluation municipale élevée) ou qu’ils aient des revenus plus modestes (dans le cas d’une tarification fixe), puisque dans les deux cas, ces contribuables ne paieront que leur juste part.", affirme la compagnie privée [Nouvelle technologie (TEKNO) inc. >http://www.tekno.ca/index.html] qui fait valoir qu’elle a déjà " plus de 500 contrats réalisés au Québec, Ontario, Alberta, Terre-Neuve, St-Pierre-et-Miquelon, Maroc, Tunisie, Mexique, Île Maurice, Nicaragua, Égypte, États-Unis, Liban, Malaisie, Haïti, Martinique, Antigua et Bengladesh.".

Un distributeur privé d’eau faisant l’éloge des compteurs qu’il pose... on connaît la chanson. Surtout quand il ajoute : « La plupart des études indiquent que, globalement, les ménages, les entreprises et les producteurs agricoles modifient effectivement leurs schémas de consommation d’eau en réaction aux changements de variables telles que les niveaux de prix, la pénétration du comptage, et la tarification saisonnière. Dans certains cas, les taux de réaction peuvent être très élevés, en particulier parmi les ménages à haut revenus ».

Compteurs = privatisation= eau plus chère. Voilà une argumentation qui a le mérite de la sincérité mais qui ne risque pas d’enthousiasmer les consommateurs québécois.

Compteurs = moins de pollution ?

La crainte de la privatisation et des factures salées n’empêche cependant pas l’argument d’avoir une certaine portée. Ne pas gaspiller l’eau est une nécessité car de l’eau utilisée c’est aussi de l’eau polluée ou, dans le meilleur des cas, coûteusement dépolluée. Il faut donc avoir un comportement responsable en matière de consommation d’eau et l’économiser.

Mais, si on veut économiser l’eau il faut d’abord savoir combien on consomme et donc avoir un compteur !

Des compteurs. Oui ! Mais uniquement pour l’industrie !

C’est la position défendue par "Eau Secours" du Québec.

"La question des compteurs d’eau a été beaucoup débattue et revient régulièrement dans l’actualité. Beaucoup de choses se disent, souvent de bonne foi, mais malheureusement, dans bien des cas, les prémisses sont fausses et les arguments sans fondement.

Tout d’abord, il est important de distinguer les compteurs d’eau résidentiels des compteurs d’eau industriels.

Pour ce qui est des compteurs d’eau résidentiels, vous pourrez constater qu’il n’y a aucune raison logique qui en justifie l’installation. Il y a des façons beaucoup plus efficaces de faire payer le service de l’eau aux citoyens. D’ailleurs, le service de l’eau n’est pas gratuit actuellement au Québec. Dans la plupart des municipalités, il est facturé à même le compte de taxe municipale.

Certains justifient l’installation de compteurs d’eau résidentiels par une volonté de diminuer la consommation d’eau individuelle ; nous montrerons qu’il existe d’autres moyens beaucoup plus efficaces et beaucoup moins coûteux d’atteindre cet objectif.

La seule raison, non dite, qui justifierait l’installation de compteurs d’eau dans les résidences est la volonté de privatiser de la gestion de l’eau. En effet, le compteur d’eau résidentiel est le seul moyen disponible à l’entreprise privée pour facturer directement le citoyen. La privatisation de la gestion de l’eau, un service essentiel à la vie, est selon nous hors de question.

Du côté des compteurs d’eau industriels, la situation est toute autre. En effet, la consommation industrielle est très variable en fonction des procédés en place et
des technologies utilisées. Seule la mesure de la quantité utilisée dans une entreprise
en permet la facturation proportionnelle.

L’installation de compteurs d’eau a été prouvée comme étant efficace et rentable dans le contexte industriel.

Qu’on aimerait entendre ces propos en France où les industriels bénéficient de prix parfois inférieurs au prix de production et où l’eau de l’industrie est généralement payée par l’eau du consommateur domestique !

L’ensemble de l’argumentaire de "Eau Secours !", ci-dessous, mérite d’être lu.

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Eau Secours ! Démystifier les compteurs d’eau.

Obtenir des économies par la sensibilisation et la réglementation et non par la sanction du prix.

Eau Secours ! n’évacue pas le problème des économies mais cela passe d’abord par la sensibilisation et la modification acceptée des comportements.

Une sensibilisation doublée d’une réglementation. Un réglementation portant essentiellement sur les usages extérieurs de l’eau et qui interdirait ou limiterait, par exemple, l’arrosage des grands terrains ou le remplissage des piscines l’été.

Comme d’habitude certains crieront à l’Utopie.

Pourtant chacun se plaît à reconnaître qu’en France ce sont bien les campagnes de sensibilisation et non le prix de l’eau qui ont amené les consommateurs à baisser leur consommation. Cette baisse est d’ailleurs considérée avec un mauvais œil par les distributeurs qui voient leurs bénéfices fondre avec les volumes consommés et font pression pour obtenir des augmentation du prix (notons qu’actuellement le volume moyen consommé par un consommateur domestique est de l’ordre de 100 litres/jours)

Comment payer l’eau domestique ? Par la taxe foncière.

C’est la proposition de "Eau Secours ! " :


"Pour facturer les services d’eau, on peut également opter pour une taxe, celle-ci peut être fixe ou modulée en fonction de certains critères qui sont généralement liés au type d’habitation (maison unifamiliale, immeuble à logements multiples, etc.).

La taxe fixe ne fait aucun sens puisqu’elle ne prend en compte ni le volume consommé, ni la capacité de payer.

La taxe modulée comme la taxe foncière est établie en fonction de l’évaluation de la résidence. Plus les résidences valent cher, plus la taxe est élevée. Ces résidences bénéficient généralement de terrains et d’équipements qui consomment beaucoup d’eau. Selon nous, la taxe foncière est la meilleure façon de tarifer l’eau.

Tarification équitable : OUI

La tarification par une taxe foncière, ou impôt foncier, permet de répartir les charges
en fonction de la capacité de payer des individus, en fonction du bénéfice reçu
(le branchement au réseau d’aqueduc et d’égout). De plus, elle est dans la plupart des cas proportionnelle à la consommation d’eau. En effet, le niveau de taxe foncière est généralement en fonction de la superficie du terrain, de la présence d’une piscine et de la superficie de la résidence (plus d’habitants), trois paramètres associés à une plus grande consommation d’eau. On parle alors d’équité horizontale, parce que les contribuables bénéficient également des mêmes avantages au même coût, et d’équité verticale combinée parce que les contribuables paient en fonction de leur capacité de payer.

Inclure le coût de l’eau dans une taxe foncière de cette nature, c’est en faire une taxe progressive et équitable. C’est d’ailleurs le mode de financement utilisé partout au Québec, à quelques exceptions près.


La tarification par la taxe foncière est-elle efficiente ? OUI

La tarification via l’impôt foncier est efficiente puisque qu’elle ne coûte rien de plus en coûts d’opération. La taxe foncière est déjà perçue pour toutes les résidences.

La taxe foncière est en soi beaucoup plus efficiente que la tarification au compteur.

À titre d’illustration, M. Henri Didillon, qui a déjà été directeur des Affaires municipales à la firme Raymond et Chabot, citait l’exemple d’une municipalité pour laquelle il en coûtait 62 fois moins cher de percevoir la taxe foncière que des montants spécifiques pour l’eau (par exemple, la facturation par compteurs d’eau).

De plus, la gestion de la taxe foncière est plus facile, particulièrement au niveau des
mauvaises créances.

En effet, les mauvaises créances sont pratiquement inexistantes au niveau de la taxe foncière étant donné les mesures convaincantes utilisées par les villes auprès des propriétaires, pouvant aller jusqu’à la mise aux enchères de l’immeuble."

La taxe foncière présente cependant l’inconvénient de ne pas tenir compte du nombre réel de personnes au foyer mais l’idée d’une taxe proportionnelle au "niveau de vie" mérite effectivement d’être étudiée.

Comment faire simple quand on peut faire compliqué.

De leur côte les chercheurs de l’Université de Québec concluent leur étude par un clin d’œil à leurs cousins d’Europe :

"Comme disent les Français : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi faire simple, bon marché et équitable, en payant l’eau à même l’impôt foncier général, quand on peut faire compliqué, inutile, coûteux, inéquitable et nuisible en introduisant des compteurs d’eau ?"

Le compteur d’eau commercial et industriel : un outil essentiel

Eau Secours ! plaide cependant pour le compteur industriel.

" La situation du secteur résidentiel est toutefois très différente de celle du secteur commercial et industriel (CI).

La consommation d’eau du secteur résidentiel est structurelle, ce qui n’est pas le cas pour le secteur commercial et industriel. En effet, la consommation commerciale et industrielle est extrêmement variable en fonction du type d’industrie et du type de procédés et de technologies en place.

Prenons comme exemple un producteur de bière qui utilise de l’eau municipale pour fabriquer sa bière ; sa consommation est nettement supérieure à un magasin grande surface de matériaux de rénovation. De plus, la consommation d’eau peut varier grandement en fonction du type de technologie de climatisation utilisée.

Article de Louis-Gilles Francoeur,

Des milliard de litres d’eau gaspillés, Le Devoir, 9 octobre 2003.

Contrairement au secteur résidentiel, la tarification par compteur d’eau pour le secteur commercial et industriel s’avère très efficace. Les volumes d’eau consommés peuvent être diminués de façon importante par le choix
de technologies appropriées.

La réglementation serait difficile à mettre en place étant donné le grand nombre et la variété des procédés et technologies utilisés.

La sensibilisation aurait certainement un impact mais sûrement pas suffisant compte tenu de l’objectif numéro 1 de l’entreprise privée, soit le profit.

Une tarification au volume inciterait les commerces et les industries à faire un choix plus judicieux en terme de consommation d’eau.

Pour les industries qui consomment l’eau comme matière première, il est
normal qu’elles paient au volume consommé puisque cette matière première
génère le produit qui à son tour génère des profits à l’entreprise. La nature mercantile des activités du secteur Commerces et Industries et les énormes possibilités d’économie d’eau que recèle ce secteur incitent à opter pour une tarification au compteur. Au Québec, plusieurs expériences démontrent que les industries et les commerces sont en mesure de réduire radicalement leur consommation d’eau lorsqu’elles sont incitées à le faire.

Nous en voulons pour preuve les changements d’équipement de réfrigération
qui peuvent diminuer la consommation de 10 à 20 fois. À titre d’exemple, un dépanneur et une boulangerie de Laval ont vu leur consommation passer de 7000 à
200 mètres cubes et de 23 000 à 940 mètres cubes respectivement, et ce uniquement
en remplaçant leur système de refroidissement3. La ville de Sainte-Marie de Beauce a analysé le profil des consommateurs, plus particulièrement pendant l’été où les pénuries sont plus problématiques, ce qui lui a permis de découvrir que la plus grande utilisation d’eau n’était pas due aux piscines ou à l’arrosage des pelouses, mais à l’utilisation de systèmes de climatisation à l’eau utilisés par certaines institutions et industries.

L’installation de compteurs aurait également l’avantage de dépister les surconsommateurs des milieux industriels, commerciaux et institutionnels. Ces secteurs produisent des rejets, dans certains cas très pollués, et sont donc responsables d’une partie importante de la facture d’épuration des eaux usées. Par ailleurs, les revenus récoltés grâce à la facturation par compteurs seraient très efficients compte tenu du très gros volume d’eau consommée par ce secteur.

Actuellement à Montréal, la plupart des grands consommateurs industriels
(100 000 mètres cubes et plus) sont dotés de compteurs. Toutefois, il y aurait
seulement 9600 compteurs institutionnels commerciaux et industriels installés alors
que le besoin total atteint 23 700 compteurs.

Un investissement de 25 millions $ serait nécessaire pour implanter tous ces compteurs. Il est grand temps de mesurer la consommation de tous les immeubles commerciaux et industriels afin de leur faire payer le juste coût de l’eau et de mettre en place une campagne de sensibilisation visant un usage plus efficace de l’eau.



Alors, en France, compteurs ou pas compteurs ?

Oui aux compteurs industriels.

Chacun conviendra que des compteurs industriels pour faire payer l’eau qui génère des bénéfices à un juste prix est une excellente idée. En France où ces compteurs existent, il faudrait déjà obtenir que l’eau industrielle ne soit plus payée par le consommateur domestique.

L’eau domestique payée par la taxe ou l’impôt ? C’est certainement une des solutions pour conserver une gestion publique et surtout solidaire de l’eau.


Faut-il donc bannir les compteurs individuels ?
La question se pose, en France, au moment où la loi impose le compteur individuel dans chaque appartement des immeubles collectifs.

Il est évident que l’objectif visé est une plus forte facturation et des gains supplémentaires pour les distributeurs en particulier en individualisant la part fixe (sans compter le bénéfice sur la pose et la gestion des compteurs). C’est pourquoi des associations s’opposent à cette mesure.

Cependant, un compteur installé, au libre choix de chacun, permet de contrôler sa consommation dans un simple objectif civique. Même quand l’eau et l’assainissement sont payés par la taxe. C’est moins le prix de la facture d’eau que la campagne en faveur des économies qui a fait baisser la consommation d’eau dans les dix dernières années en France.

Le compteur ne doit pas être l’instrument d’une privatisation et d’une "marchandisation de l’eau" et la réflexion de nos amis québécois mérite qu’on s’y attarde.

L’eau paie l’eau ?

La réflexion de nos amis québécois doit nous amener à remettre en question ce qui est devenu un dogme de la gestion de l’eau en France, à savoir "L’eau paie l’eau".

C’est en vertu de ce dogme que l’eau des consommateurs domestique paie l’eau de l’industrie et de l’agriculture.

C’est en vertu de ce dogme que l’argent de l’eau est utilisé pour des opérations de promotion du "modèle français" des entreprises privées de l’eau (voir la loi Oudin Santini)

C’est en vertu de ce dogme qu’il est impossible de financer une véritable politique sociale de l’eau par la contribution collective que constitue l’impôt.

C’est donc à un changement complet de notre conception de la gestion de l’eau que nous invitent nos amis du Québec.


pour compléter

Eau secours ! parle des porteurs d’eau et des compteurs sur Radio-Québec


Le point de vue de Thierry Ruf sur les compteurs.

Dans "A propos de l’avenir de l’eau d’Erik Orsenna", une critique sévère du livre de l’académicien, Thierry Ruf s’exprime sur les compteurs d’eau.

"A propos des déboires de Suez-Lyonnaise des Eaux en Argentine (p.323-327), vous affirmez haut et fort que Suez avait raison d’installer des compteurs individuels dans tous les quartiers de Buenos Aires. Comme s’il n’y avait pas d’autres formes de gestion des consommations et des prises en charge des coûts. A Paris, l’eau se paye en mesurant l’eau de compteurs collectifs et les habitants des immeubles payent l’eau en fonction de la surface de leur appartement. Cela veut dire que les plus aisés contribuent plus au paiement de l’eau que les plus modestes, ce qui est une forme d’organisation sociale intéressante en soi. Mais vous dîtes des choses encore plus stupides, et ce n’est pas vous faire injure puisque vous mêmes vous traitez d’imbéciles ceux qui ne pensent pas comme vous. A Dublin, ville très connue dans le milieu des hydrocrates et des sociétés privées pour avoir accueilli la première conférence mondiale de 1992 prônant le principe de l’eau bien économique, l’eau n’est pas facturée aux individus ! Depuis le milieu du XIXe siècle, le choix politique a été de livrer gratuitement de l’eau à tous les citoyens, qui payent ce service via l’impôt municipal.

Vous préférez être le passeur d’idées des sociétés françaises de l’eau : le compteur est le meilleur ami de l’homme…Il lui indique que l’eau arrive jusqu’à son domicile…Il lui rappelle la rareté du bien eau et combien il mérite le respect… Il est le témoin idéal, celui que le tribunal peut convoquer à tout moment pour s’informer des mauvaises pratiques en cours…

Vous insistez : le compteur n’est pas le responsable de la tarification… Il se contente d’afficher un volume…Que les autorités décident d’établir la gratuité ou d’accabler le consommateur, le pauvre compteur n’y peut rien. Ou alors le thermomètre devrait être condamné pour complicité active avec la fièvre (p.326).

Comment pouvez vous ignorer que les compteurs sont peu fiables dans de nombreuses villes et campagnes du Tiers-Monde ? Que certains consommateurs échappent à la mesure par l’excès de pouvoir ou l’abus de position dominante ? Le compteur identifie une consommation mais trop d’eaux échappent à cette mesure, à commencer par les fuites liées à l’incurie des gestionnaires de l’eau. Comment voulez vous qu’un habitant d’un quartier pauvre de Marrakech accepte qu’on mesure sa consommation (et qu’on lui facture très cher l’acquisition de cette mesure) alors qu’à proximité, on livre de l’eau sans la facturer aux golfs qui sont exemptés de payer l’eau, pour favoriser le développement touristique de luxe.

Le compteur est un instrument parmi d’autres de répartition des charges pour accéder à l’eau, mais il suppose une équité générale et une transparence totale sur les contributions.

On en est loin.

Quant aux compteurs en agriculture irriguée, une forte proportion d’entre eux ne marchent plus du fait de la turbidité de l’eau. Cela provoque des conflits entre les agriculteurs et les offices d’irrigation. Dans les Pyrénées-Orientales, les irrigants du canal de Thuir ont opté dans les années 1970 pour un réseau sous pression d’irrigation localisé (un système de goutte à goutte mieux pensé). Dans un premier temps, le réseau était géré par la compagnie BRL qui avait installé des compteurs partout. Mais l’eau était facturé très chère et seul un tiers des surfaces avait été raccordé au réseau. Les deux tiers restaient en arrosage gravitaire
traditionnel. Quelques années plus tard, le système était au bord de la faillite. Les agriculteurs ont repris en gestion directe leur réseau. Ils ont supprimé les compteurs, installé des limitateurs de débit et partagé les charges de gestion en fonction de leur superficie.

En adoptant ces mesures hétérodoxes, ils ont diminué le coût de l’eau par deux. Du coup, deux tiers des champs ont été raccordés et la consommation n’a pas augmenté. Vive la gestion mutuelle de l’eau !"

Lire encore :

L’installation des compteurs individuels et industriels n’est pas une solution universelle et adaptée à toutes les situations du monde.

Elle ne garantit pas des abus des grands consommateurs d’eau, en agriculture comme dans le monde urbain ou rural, car les compteurs ne sont pas infaillibles. En revanche, la société a besoin absolu de systèmes de mesure observable par tous, qui prend différentes formes de mesure du temps, de hauteur d’eau, de débits et éventuellement aussi de volumes d’eau. Les
sociétés ont inventé milles manières de procéder dans leur institution communautaire.

Elles peuvent évoluer et combiner différentes formes de justice sociale. Lorsque le système repose sur des compteurs volumétriques, la question de fonds consiste à voir quels sont les contrats qui accompagnent la pose des compteurs.

Quelle est la politique de réduction des volumes en cas de crise ? Quelles sont les faveurs données aux gros consommateurs ? Quel coût représente l’acquisition du compteur pour les plus modestes ?


Eau Secours ! s’oppose à l’installation de compteurs d’eau résidentiels à Saint-Lambert

Montréal, le 23 février 2012 – La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau – Eau Secours ! invite la Ville de Saint-Lambert à renoncer à l’installation de compteurs d’eau résidentiels.

Il a été démontré que l’installation de compteurs d’eau n’a pas d’impact significatif sur le volume de consommation dans les résidences. Plusieurs villes ont estimé que le coût d’achat, de pose et d’entretien des compteurs est plus grand que les bénéfices générés par la baisse de la consommation d’eau. De plus, ce principe n’est pas équitable, car il ne permet pas à tous et toutes d’avoir un accès adéquat à l’eau potable indépendamment de leurs revenus.

Les études confirment que la tarification au volume a un impact négatif sur les ménages les plus pauvres. Dans certains cas, ceux-ci réduisent leur consommation en-deçà des seuils souhaitables du point de vue de la santé publique. La tarification par compteur appauvrirait davantage les personnes déjà peu fortunées.

« La Ville de Saint-Lambert doit écouter la population qui ne veut pas de compteurs d’eau dans les résidences. Si le maire veut réduire la consommation d’eau, il devrait plutôt sensibiliser les citoyennes et les citoyens à une utilisation plus judicieuse de l’eau. De plus, la consommation résidentielle dépend peu du comportement du citoyen, mais plutôt du type d’équipement qu’il utilise et du nombre d’utilisateurs. Il devrait donc y avoir, par exemple, une réglementation pour obliger l’utilisation de réservoirs de toilettes de 6 litres ou moins lors du remplacement d’anciens réservoirs de 14 litres ou plus, ou une taxation par nombre de toilettes, de piscines ou de spas d’une résidence. » déclare Martine Chatelain, présidente d’Eau Secours !.

Pour la Coalition, la taxe foncière est un moyen équitable et efficace d’assumer collectivement les coûts du traitement et de la distribution de l’eau (filtration/potabilisation, aqueduc, égouts, assainissement des eaux usées) et d’en préserver la gestion publique. Les compteurs d’eau ont toujours été, sont et resteront la porte ouverte à la privatisation.

Eau Secours ! est cependant favorable à l’installation de compteurs pour les grands utilisateurs industriels et commerciaux. En effet, la tarification aux grands consommateurs influence très nettement leur consommation et occasionne un retour aux coffres de la municipalité qui compense les dépenses du service de l’eau. De plus, cette mesure incite les grands consommateurs à changer leurs pratiques ou leur machinerie désuète.

La Coalition Eau Secours ! demande donc au maire de Saint-Lambert de revoir sa décision d’installer des compteurs d’eau dans les résidences au printemps. Des campagnes de sensibilisation, de concert avec une réglementation et des mesures visant les grands consommateurs, assorties à un programme pour s’attaquer aux fuites du réseau seraient plus efficace pour atteindre son objectif d’une diminution de 20% de la consommation de l’eau, tel que prescrit par le gouvernement du Québec.

Pour consulter la brochure produite par Eau Secours ! Démystifier les compteurs d’eau :

Brochure : Démystifier les compteurs d’eau