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Les renouvelables font sombrer en désuétude les objectifs énergétiques européens.

jeudi 23 novembre 2017, par Gérard Borvon

Les coûts du solaire et de l’éolien chutent rapidement. Associés à de nouvelles technologies, ces renouvelables pourraient remplacer « plus de la moitié » de l’électricité au gaz ou au charbon en Europe d’ici 2030.

Par : Frédéric Simon

La mise à jour des projections du coût du solaire et de l’éolien par le cabinet de conseil Energy Union Choices est éloquente.

Il en ressort que l’UE pourrait sans aucun problème choisir de rehausser la part de ses renouvelables pour 2030. Au lieu de la prévision actuelle de 49 %, l’UE pourrait facilement viser 61 %, estiment les spécialistes. En pratique, cette augmentation reviendrait à économiser 265 millions de tonnes d’émissions de CO2 et 600 millions d’euros par an en coût des systèmes énergétiques, estiment les auteurs du rapport.

En réalité, la chute des prix du solaire et de l’éolien, combinée à une demande flexible, signifie qu’il serait même moins coûteux de viser les 61 % de renouvelables et de réduire d’environ 50 % la production de gaz, explique le rapport.

« La chute des prix des technologies propres a dépassé de loin toutes les attentes », assure Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, pour qui la recherche a été effectuée. « Les arguments économiques penchent à présent décidément vers l’énergie propre, ce qui devrait pousser l’UE à rehausser ses ambitions pour 2030. »

Une opinion à laquelle fait écho celle de Francesco Starace, PDG d’Enel, principal producteur d’électricité italien, qui a récemment pris la présidence d’Eurelectric, l’association de représentation de l’industrie électrique européenne. Il en effet récemment déclaré que les progrès réalisés dans le secteur des énergies propres avaient été « plus rapides et plus profonds que prévu » lors des dernières projections d’Eurelectric pour 2050.

« Aujourd’hui, [les renouvelables] sont clairement le grand vainqueur en termes de coût par kilowatt/heure », affirme-t-il, ajoutant qu’il est à présent possible que le secteur de l’électricité atteigne la neutralité carbone « certainement avant 2050 ».

Un paquet législatif pas encore adopté…et déjà obsolète

Les eurodéputés discutent actuellement d’un paquet législatif sur l’énergie propre pour 2030. Ce paquet comprend un objectif de 27 % de renouvelables et d’une réduction de 40 % des émissions de CO2.

Pourtant, à en croire le rapport d’Artelys, ces objectifs sont déjà complètement dépassés et pourraient même ralentir la transition vers un système plus propre. La proposition est en effet fondée sur l’hypothèse selon laquelle le prix du CO2 sera de 27 euros la tonne d’ici 2030, un prix considéré trop faible pour entraîner un réel abandon du charbon. Et la réforme du marché du carbone devrait favoriser un prix plus élevé.

« La Commission européenne semble sous-estimer de manière chronique l’ampleur de l’impact que peuvent avoir les énergies renouvelables », regrette Imke Luebbeke, de WWF. « Comme le montre ce rapport, nous pouvons et devons cesser d’utiliser le charbon et miser encore davantage sur les renouvelables que ce qui est prévu pour 2030, au nom de la santé des Européens, du portefeuille des contribuables et de notre climat. »

Contactée par Euractiv, la Commission a reconnu l’importance des résultats de l’enquête, mais n’a pas souhaité commenter ses conséquences sur les objectifs européens. Maroš Šefčovič, le commissaire chargé de l’Union de l’énergie, devrait cependant prendre la parole à l’événement de présentation officiel du rapport, qui aura lieu à Bruxelles, le 21 novembre.

L’UE prête à viser la neutralité carbone en 2050

Exclusif. La Commission européenne prépare une mise à jour de sa feuille de route pour une économie zéro carbone d’ici 2050. Une remise en cause qui sous-tend que les objectifs actuels de l’UE sont insuffisants.

Plus de la moitié de l’électricité au gaz et au charbon

L’une des conclusions les plus frappantes du rapport est l’ampleur du phénomène : les renouvelables peu chères et la demande flexible pourraient remplacer plus de la moitié de l’électricité au gaz et au charbon d’ici 2030. Les émissions du secteur pourraient donc être réduites deux fois plus vite que prévu : une réduction de 55 % au lieu de 30 % pour 2030, comparés au niveau de 2015.

Même si le charbon est largement abandonné, la génération de gaz pourrait encore être réduite de moitié d’ici 2030, selon les chercheurs, grâce à des réseaux électriques améliorés et des solutions à la demande flexible. Ces progrès technologies devraient en effet permettre de stabiliser le système, éliminant donc la « nécessité » de recourir au gaz comme énergies relais.

« Les pays européens doivent faire confiance aux renouvelables : ils peuvent supprimer le charbon sans compromis pour la sécurité énergétique et sans craindre une nouvelle dépendance aux fournisseurs de gaz », assure Jonathan Gaventa, directeur du groupe de réflexion E3G. « Les gestionnaires d’infrastructures doivent voir la réalité en face s’ils ne veulent pas continuer à gaspiller de l’argent sur des gazoducs complètement inutiles ou à contracter une dépendance vis-à-vis du gaz. »

Le potentiel de réductions de CO2 des réseaux électriques a été confirmé par REGRT-E, le Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité. Le plan de développement sur dix ans publié par le réseau en 2016 évalue ce potentiel entre 50 et 80 %, en fonction des paramètres, dont le partage de ressources entre pays.

Il n’y aurait donc plus besoin de construire « davantage de centrales électriques, souvent très polluantes » pour assurer la stabilité des réseaux quand le vent ne souffle pas ou que le soleil ne brille pas, explique Claire Camus, directrice de communication pour REGRT-E.

Surcapacité structurelle

Dans l’ensemble, l’Europe se trouve donc face à une surcapacité en termes de production d’électricité, prévient le rapport, qui appelle les décideurs politiques à organiser une sortie ordonnée du charbon.

« L’élimination progressive d’actifs de production à hautes émissions de carbone est essentielle pour laisser la place aux investissements dans les énergies renouvelables et la transition vers un système énergétique intelligent, plus propre et moins cher », concluent les auteurs du rapport, qui estiment cependant qu’il est « très probable » que les décideurs continuent de se baser sur « une compréhension dépassée du marché de l’énergie pour adopter les politiques énergétiques nationales et européennes ».

Un constat partagé par Francesco Starace. « Je pense que l’industrie a perdu un certain temps à essayer de résister aux changements technologiques et à nier ce qui se passait au niveau environnemental. Il faut rattraper ce temps perdu », a-t-il déclaré.